Dans l’antre du Dragon d’Or

 

Le ciel est noir, des pluies de feu s’abattent sur le pays. Des cris d’agonies résonnent dans tout le royaume. Partout où on regarde, il n’y a que des cadavres, arbres calcinés et déracinés ; rivières asséchées ; tempêtes de sables ou de neige ou les deux en même temps ; des grêlons aussi gros que le poing tombent du ciel.
Des créatures horribles courent dans tous les sens. Elles se jettent sur tout ce qui bougent, se battent entre elles.
La couleur du ciel change et devient rouge, les nuages crachent une pluie de sang.
SilverSky est en feu, la ville est en ruine. Quelques hommes – si on peut encore appeler ça des hommes vu l’état dans lequel ils sont – errent dans ce qui restent de leur ville et essayent d’échapper aux créatures qui y rodent.

Un enfant est caché sous un amas de pierre, il porte des guenilles et semble fuir quelque chose. Un grognement derrière lui, l’enfant sort de sa cachette et se met à courir à en perdre haleine. Une créature féline sort de l’ombre et se lance à sa poursuite. L’enfant jette un coup d’œil derrière lui en courant, il aperçoit le monstre qui court après lui. Le félin semble tout droit sorti de ses pires cauchemars, il est énorme, son pelage est noir, parsemé de taches de sang coagulé, de sa mâchoire sortent des dents énormes, sa longue queue se termine par des piques. L’enfant trébuche sur une pierre, il tombe à terre, il essaie de se relever mais le félin est déjà sur lui. L’enfant hurle de douleur tandis que le monstre lui arrache un bras d’un coup de griffe et lui plante ses crocs dans la gorge.

Le château n’est plus qu’un amas de pierres et de poutres, il ne reste plus rien de sa splendeur d’antan. Un groupe de guerrier est en train de se battre au milieu des ruines, essayant de repousser les assauts de trois dragons-squelettes et d’une dizaine de félins. Kerval, Ours, Shan et Merrick se battent comme des beaux diables. Les corps inanimés de Red, Crowbanner et leurs compagnons gisent sur le sol. Kerval et ses compagnons sont acculés contre un mur, leurs ennemis sont trop nombreux. Le désespoir et la résignation se lisent sur leurs visages. Les dragons ouvrent leur gueule, on voit le feu se former entre leurs cotes, les félins se préparent à bondir. Kerval regarde ses amis, leur regard répond à la question silencieuse qu’il leur a posée. Ils jettent leurs armes et attendent.

La plus haute tour du château ne s’est pas encore écroulée. À son sommet se tient la créature des brumes. Elle arbore un sourire victorieux. Sa longue cape vole au vent. Un éclair zèbre le ciel. La créature éclate de rire.
Elle regarde la ville en contrebas et crie :
- Je vous avais prévenu, stupides humains, je vous avais dit que je reviendrai, tout comme je l’avais fait pour les Elfes et les Nains. L’Haruspice tient toujours parole.

Marl se relève, le visage couvert de sueur, haletant. Il n’ose croire ce qu’il vient de voir. C’est au-delà de ce qu’il peut imaginer.
Ses amis le regardent et attendent qu’il leurs dise ce qu’il a vu.
L’enfant prend sa respiration et ouvre la bouche, s’apprêtant à leur dire ce qu’il a vu quand une voix retentit dans sa tête. La voix gronde comme le tonnerre, elle résonne.
- Marl ! Marl, ce que tu as vu n’est pas l’avenir. Ne sois pas effrayé.
- Qui êtes-vous ? demanda Marl dans sa tête.
- Tu sais très bien qui je suis, je me suis montré à toi en rêves, je suis Grant, le dernier dragon.
- Mais alors, si ce n’est pas l’avenir que j’ai vu, qu’est-ce que c’était ?
- C’était un des avenirs. L’avenir n’est pas écrit. Il est le résultat de ce que les Hommes font. Il n’est pas utile que tu racontes à tes amis ce que tu as vu, cela n’aurait pour effet que de les effrayer. Mens-leur. Maintenant viens, je t’attends. Cela fait des siècles que je t’attends. Je n’en ai plus pour très longtemps. Tu guideras tes amis jusqu’à moi, tu connais le chemin.

La voix du dragon disparue.

- Et bien Marl, qu’as-tu vu ? demanda Kerval. Réponds-nous.
L’enfant regarda autour de lui, ses amis n’avaient rien entendu, ils n’avaient même pas remarqué qu’il avait communiqué avec Grant.
- Je… j’ai vu le chemin qui nous mènera jusqu’au à la Grotte des Enfers, mentit-il.
- Vraiment ? Formidable, mais pour le moment, nous allons dresser le campement ici, il va faire nuit, nous repartirons à l’aube.

Le soleil se levait lentement dans le ciel. Il illuminait les hautes cimes des Montagnes Noires. Quelques nuages se battaient la place près du soleil.
Un vent frais souffla sur le campement et réveilla Marl. L’enfant s’étira, sorti de sa couche et se leva. Il fit quelques pas et s’étira de nouveau. Il regarda les montagnes, elles n’avaient pas changé, mais pourquoi l’auraient-elles fait ? Elles étaient toujours aussi imposantes et menaçantes. En les regardant, Marl éprouva une bizarre sensation de déjà-vu, comme s’il était déjà venu ici, ce qui expliquerait pourquoi Grant lui avait dit qu’il connaissait le chemin. Or, Marl était certain de n’être jamais venu ici.
Il se retourna et regarda ses amis, toujours assoupi. Il observa longuement la princesse Delilah, c’était la plus belle femme qu’il avait jamais vue. Delilah souriait dans son sommeil, recroquevillé sur elle-même. Ses paupières frémirent et elle se tourna sur le dos, tirant sur sa couverture et révélant une partie de sa poitrine.
Marl se retourna en fermant les yeux, les joues rouges de honte d’avoir assisté à ce spectacle, mais d’un autre coté, il en était heureux.
Il décida d’aller se dégourdir les jambes un peu, et même, de ramener des baies sauvages pour les manger.
Il emprunta un chemin rocailleux qui descendait vers les montagnes. Le chemin était glissant et des touffes d’herbes poussaient çà et là. Marl glissa et se rattrapa à une branche. En se relevant la branche cassa et lui resta dans les mains. Il la regarda et se demanda pourquoi elle était blanche comme…un os ! Ce n’était pas une branche qu’il avait attrapée dans sa chute mais le bras d’un squelette. Il la laissa tomber et regarda le squelette, enfin, ce qu’il en restait. Les cotes avaient été broyées et dépassaient de la tunique en cuir, une épée rouillée traînait négligemment à coté du cadavre. Marl se demanda ce qui avait bien pu faire ca, et, ne souhaitant pas le rencontrer, il s’éloigna rapidement. Il glissa de nouveau sur une pierre recouverte de mousse et s’étala de tout son long la tête la première, il se protégea la tête en l’entourant dans ses bras.
Il avait le corps tout endoloris, il avait atterrit sur une pierre qui lui était rentré dans l’estomac. Marl releva la tête et vit une paire de bottes de plaque devant lui. Il regarda au-dessus de lui, Aekol se tenait devant lui, un affreux rictus sur les lèvres.
- Tiens ! Regardez ce qui nous tombe dessus de bon matin ! dit-il en s’adressant à ses compagnons.

Kerval et les autres se réveillaient. Red était déjà en train de préparer leur déjeuner avec l’aide de Shan, il avait allumé un feu et préparait du thé et du café, Shan avait sorti de son sac des fruits et des gâteaux secs.
Crowbanner fut le premier à s’apercevoir de l’absence de Marl.
- Quelqu’un a vu Marl ?
Les autres se regardèrent et hochèrent la tête négativement.
- Vous voulez dire que personne ne sait où est le gamin ? Personne ne s’en soucie ? s’écria Ours.
Il s’approcha de chemin et cria le nom de l’enfant. La seule réponse qu’il reçut fut l’écho de sa voix.
- Je n’aime pas ca, dit Kerval. Il ne serait pas éloigné de nous. Il a du lui arriver quelque chose. Merrick, Shan, Héloïse, préparez-vous, nous partons à sa recherche. Les autres, vous restez ici au cas où il reviendrait.
- Je viens avec vous, dit Ours en ramassant sa lourde hache.
Kerval acquiesça d’un signe de tête. Ours éprouvait une grande affection pour l’enfant depuis qu’il l’avait rencontré, il avait l’impression de se revoir quand il était jeune, à la recherche d’aventure, toujours prêt à partir faire des farces.
Ils se mirent en route et empruntèrent le chemin rocailleux descendant vers les montagnes.

Le jour se levait sur Raven’s Dust, les habitants de SilverSky d’une nuit de sommeil agitée. Ils avaient tous fait d’horribles cauchemars où ils voyaient leur ville mise à feu et à sang par des créatures répugnantes.
Le Père Giamas se leva de sa couche, sorti de sa cellule et pris le couloir qui menait au réfectoire pour prendre son déjeuner avec les autres membres du Temple. Il arriva dans le réfectoire et fut surpris de n’y trouver personne. Ses frères se levaient toujours avec le soleil, car leurs cellules étaient disposées de telle façon que le soleil venait frapper leurs couches de ses rayons, les réveillant par la même occasion ; le Père Giamas avait la seule cellule du temple dépourvue de fenêtre, mais cela faisait des années qu’il n’avait plus besoin du soleil pour se réveiller.
Un autre détail le frappa, il faisait très sombre dans le réfectoire, alors qu’à cette heure-ci, les rayons du soleil auraient du illuminer la pièce en se reflétant sur les vitraux. Mais au lieu de cela, le réfectoire était plongé dans l’obscurité. Le prêtre s’approcha de la fenêtre la plus proche et tenta de voir au travers des vitraux, mais il n’y voyait rien.
Quelqu’un frappait sur la lourde porte du temple. Giamas se précipita pour ouvrir la porte d’entrée afin d’ouvrir car les coups sur la porte devenaient plus pressant.
- Oui, voilà, j’arrive, du calme, dit-il.
Le prêtre attrapa une grosse clé en fer rouillée accrochée au mur, l’introduit dans la serrure et ouvrit la porte.
Tout d’abord il ne vit qu’une épaisse brume, puis la jeune femme lui tomba dans les bras, elle lui demanda de refermer la porte, elle était au bord de l’hystérie.
Giamas referma la porte et tenta de calmer la jeune femme, il la reconnut, c’était Clydia, une servante du château.
- Du calme mon enfant, dit-il d’un ton rassurant. Vous êtes à l’abri dans la maison d’Artherk.
Clydia avait les yeux exorbités, son visage reflétait une terreur intense.
- Ils sont dehors ! Ils sont dehors
- Qui est dehors ? demanda le prêtre.
- Les démons ! cria-t-elle, sa voix résonnant dans le temple.
- Les démons ? Mais de quoi parlez-vous donc ?
- Les démons ! Ils sont là, les démons de la brume.
Quelque chose gratta à la porte du temple. L’ecclésiaste et la jeune femme se tournèrent vers la sortie.
Grat, grat.
- Ils m’ont suivi ! Ils veulent me tuer
Grat, grat.
- Calmez-vous, répéta Giamas autant pour la jeune fille que pour lui-même.
Les grattements se transformèrent en coup sur la porte, quelle que soit la créature qui tentait d’entrer, il lui faudrait beaucoup de force pour défoncer l’épaisse porte en chêne massif.
Giamas éloigna Clydia de la porte et la conduisit près de l’autel où il la fit s’asseoir sur un banc. Il se demandait ce que faisaient les autres Frères, le bruit aurait du les réveiller.
Le prêtre s’assit à coté de la jeune femme et lui pris les mains.
- Racontez-moi, dit-il.
Clydia tourna sa tête vers la porte, les coups s’étaient arrêtés. Elle regarda le prêtre et parla d’une voix tremblotante.
- Ce matin, je suis sortie du château comme tous les jours pour aller acheter du pain frais. Je passais à peine la porte que j’étais prise dans cette brume étrange. Je n’étais pas rassurée, mais je pensais que ce n’était qu’une brume comme les autres, alors j’ai pris la direction de l’échoppe du boulanger. Mais je me suis vite perdue, la brume était épaisse comme de la purée, on y voit pas à deux pas. Et puis j’ai entendu un grognement près de moi. Ce n’était pas un chien, j’en suis sûre. C’était plus…comment dire, plus bestial. Je n’ai pas réfléchi, j’ai couru aussi vite que j’ai pu, puis j’ai aperçut le clocher alors je suis venu ici, j’entendais le bruit des griffes racler les pavés derrière moi, et puis il y avait ce rire, un rire à vous glacer le sang. Ensuite je suis arrivé ici et…
La porte du temple fit un vacarme assourdissant quand elle éclata sous le poids de la créature qui s’était jetée dessus, envoyant voler des morceaux de bois et de fer dans tous les sens.
Un félin énorme, au pelage noir comme l’ébène et aux yeux rouge sang se tenait entre les deux rangées de bancs, en face d’eux. Il grogna, montra ses crocs et s’élança sur eux.
Giamas tira Clydia vers le couloir menant aux chambres des autres prêtres, espérant y trouver de l’aide. Ils couraient sans se retourner, entendant les feulements de fureur de la bête. Giamas tourna au bout du couloir et s’arrêta net en regardant dans le couloir des cellules de ses frères. Il savait pourquoi ils ne s’étaient pas levés ce matin, une des fenêtres avait été défoncée et quatre félins semblables à celui qui les poursuivait les fixaient de leur regard rouge.
Clydia hurla et s’enfui en prenant le chemin par où ils étaient venus. Giamas essaya de la rattraper mais il était trop tard, le monstrueux félin venait de lui sauter à la gorge.
Giamas s’appuya contre le mur et pria Artherk.
Les fauves bondirent, Giamas ferma les yeux
...

Kerval et ses compagnons n’avaient pas mis longtemps à retrouver la trace de Marl, il suffisait de suivre les empreintes de pas qu’il avait laissées dans la terre. Ils suivirent le chemin, sur leurs gardes, prêts à bondir. Seulement, ils n’avaient pas prévu de retomber sur les Haruspiciens.
Ils étaient là, devant eux, tous, même ceux qui avaient péris lors du dernier combat. Xadius, maître nécromancien avait survécu à sa blessure et il avait ramené à la vie Lylas.
Drac leur faisait face, tenant l’enfant par les épaules. Marl pleurait, il lançait un regard suppliant à ses amis.
Merrick serra les poings en apercevant Drac. Il brûlait d’impatience de se mesurer à l’assassin de sa femme.

- Ainsi nous nous retrouvons, dit Drac.
- Relâche l’enfant tout de suite, dit Kerval.
- Pourquoi le ferai-je ? répondit Drac, un sourire mauvais aux lèvres. Il m’est très utile, il va me conduire à l’épée.
Drac remarque la mine crispée de Merrick et son sourire s’agrandit.
- Tiens, mais qui voilà ? Merrick de Nurien ! Alors, comment va ta femme, petit magicien ?
- Je te ferai ravaler tes paroles, espèce de chien d’Haruspicien ! Tu vas payer pour sa mort, viens, je t’attends, s’exclama Merrick en s’avançant vers Drac.
- Oh oh oh, on se calme, si tu approches, l’enfant est mort.
Merrick s’arrêta et lança un regard noir à l’Haruspicien.
- Tu ne le tueras pas, lança Shan.
- Ah ? Et pourquoi ne le ferai-je pas ?
- Tu as besoin de lui pour te mener à l’épée.
- Je peux très bien me passer de lui. En fait, je crois que je vais m’amuser à le torturer, répondit Drac en remontant sa main sur la gorge de l’enfant.
Un ours des montagnes poussa un cri derrière eux, Drac tourna la tête vers l’animal et relâcha sa prise sur l’enfant.
Marl profita de l’occasion, il donna un coup de coude dans l’estomac de Drac, et lui écrasa le pied. L’Haruspicien le lâcha et l’enfant se précipita vers ses amis. Il vit la peur se dessiner sur leurs visages, Kerval se précipita sur lui.
Marl ressenti une vive douleur à l’omoplate gauche, il tomba, il passa se passa la main dans le dos, sentit que quelque chose était planté dans son épaule, sa main était couverte de sang.

La douleur est insupportable, Marl essaie de se relever, mais son épaule le fait trop souffrir. Kerval tombe à genoux à coté de lui, il lui dit quelque chose mais l’enfant ne l’entend pas, sa vue se trouble, ses oreilles résonnent. Ses paupières sont lourdes. Il a du mal à garder les yeux ouverts. Kerval le prend dans ses bras, il lance un regard mauvais devant lui, sûrement aux Haruspiciens.
Marl a du mal à respirer, il tousse, il voit de plus en plus mal, sa vision s’assombrit, tout est noir autour de lui. Noir.
Puis, plus rien.
Le silence, le néant.

Kerval regardait la scène, comme tout le monde, il regarda l’ours quand celui-ci gronda, quand il reporta son attention sur l’enfant, il était en train de courir vers lui. Il vit Aekol prendre une dague à sa ceinture et la lancer sur l’enfant. Il vit l’expression de Marl changer quand la dague vint se planter dans son dos, au niveau du cœur.
Le Maître d’Armes s’élança vers l’enfant, le prit dans ses bras, lui dit de tenir bon, qu’ils allaient le sauver, le soigner. Il vit le regard de Marl devenir vitreux et la vie s’éteindre en lui.
Kerval se releva, l’enfant dans les bras, il s’éloigna du chemin et le coucha délicatement sur le sol.
Il se retourna et s’avance vers les Haruspiciens.
- Tu vas payer pour ca ! Vous allez tous mourir maintenant.
Et il se jeta sur Aekol, suivit par Shan et Héloïse. Merrick fit signe à Drac.
L’heure de la vengeance avait sonné.

Les flèches d’Héloïse fusaient dans tous les sens, faisant mouche à chaque fois. Shan semblait partout à la fois, à donner des coups de hache, la vie quittait tous ceux qu’elle approchait.
La terre était gluante, imprégnée du sang des guerriers tombés au combat.
Kerval harassait Aekol de coups de hallebarde, l’Haruspicien n’arrivait qu’à parer les coups, il lui était impossible d’attaquer. Kerval était dans un tel état de rage qu’il frappait sans réfléchir, ses coups étaient toujours bien placés. Aekol reculait, essayant de trouver une ouverture, il se retrouva bientôt plaqué contre un mur de rocher. Kerval lui écrasa la gorge avec le bras, la hallebarde prête à frapper et lui dit plein de haine :
- Donne-moi une bonne raison pour ne pas te tuer, ici et maintenant ?
- Tu n’es pas comme ça, Kerval.
- Ah oui, tu crois ça ?
Le bras de Kerval fit un moulinet et sa hallebarde vint frapper la pierre à l’endroit où la tête d’Aekol aurait du se trouver. L’Haruspicien avait réussit à se dégager in extremis et se retrouvait derrière le Maître d’Armes.
Il voulut l’assommer mais Kerval se retourna en un éclair et lui trancha la main gauche. Aekol recula de trois pas en se tenant son moignon sanguinolant, récita une courte formule et le sang s’arrêta de gicler.
Il leva haut son cimeterre et s’élança sur Kerval. Le Maître d’Armes feinta, fit un pas de coté, plia et d’un geste ample, il enfonça sa hallebarde dans le plastron du Maître Sanglant. L’armure vola en éclats et la hallebarde s’enfonça encore plus profondément dans le corps d’Aekol.
L’Haruspicien s’écroula au sol en rependant ses entrailles, il cracha du sang et sourit.
Kerval le regardait, essoufflé, ruisselant de sueur. Aekol pris une dague attachée à sa ceinture et la lança sur le Maître d’Armes avec les forces qui lui restait. Le Maître Sanglant était mort avant que son bras ne retombe au sol.
Kerval gémit et porta ses mains à sa gorge pour enlever la dague qui s’y était plantée. Il s’écroula à son tour.

De leur coté, Shan et Héloïse se débarrassèrent rapidement de Xadius et Lylas, les deux Haruspiciens n’avaient pas encore eu le temps de récupérer entièrement leurs forces. Xadius tomba au sol, le corps criblé de flèches, dont une plantée entre les deux yeux. La tête de Lylas le rejoignit peu après, suivit du reste de son corps.
Les deux femmes se précipitèrent pour aider Kerval, laissant Merrick seul contre son Némésis.

Merrick menait le combat de sa vie. Il avait attendu ce moment pendant des années, venger le meurtre de sa femme, tuer son assassin de ses mains. Il en avait maintenant l’occasion, et il n’allait pas la laisser lui passer sous le nez. Il allait utiliser tous les sorts qu’il connaissait. Aujourd’hui, il ferait honneur à son maître.
Drac se concentra et envoya une série de boules de feu sur Merrick, ce dernier les balaya toutes d’un geste de la main. Il croisa ses bras au-dessus de sa tête, une leur apparut au-dessus de ses mains et il les rabattit d’un seul coup.
Drac s’écroula au sol, écrasé par un poids invisible. Il se releva difficilement et pointa sa main sur Merrick qui fut projeté en arrière.
Merrick se releva, essuya la sueur sur son front et fit tournoyer son bâton devant lui, Drac se mit à tourner sur lui-même, de plus en plus vite, ses ailes se tordaient sous la pression, des plumes noires se détachaient de ses ailes.
- MEURS ! ! ! hurla Merrick.
Drac s’arrêta net, retomba au sol en rigolant.
- Fini de rigoler maintenant.
D’un geste de la main, il envoya au loin le bâton de Merrick et s’approcha de lui.
- Tu vois la différence entre toi et moi, de Nurien, c’est que toi, tu as besoin de ton bâton pour lancer tes sorts, alors que moi, non. Que vas-tu faire maintenant que tu es privé de ton précieux bâton, hein ?
- Ne sois pas trop sûr de toi, chien. J’ai des ressources que tu ne peux imaginer.
- Nous allons voir ça.
Drac leva doucement des mains, des pierres s’arrachaient de la terre et flottaient autour de lui. L’Haruspicien projeta les pierres sur Merrick. Le mage de Syl mit ses deux mains devant lui et les pierres ricochèrent sur un mur invisible.
Merrick couru vers Drac, prenant de plein fouet les dards de feu et les pics de glace que l’Haruspicien lui envoyait. Arrivé à son niveau il se jeta sur lui, le fit tomber à terre et le frappa au visage avec une grosse pierre.
Drac avait le visage en sang, il se débattait, mais Merrick le coinçait entre ses jambes.
Merrick criait afin d’évacuer sa rage, il abattait la pierre encore et encore et puis il y eut un crac. Le mage regarda Drac et ne vit que le sol sous lui. Il avait frappé le sol avec sa pierre.
Drac avait disparut.
Merrick se releva et hurla
- Drac, tu n’es qu’un lâche !
Il rejoignit Shan et Héloïse auprès de Kerval. Elles avaient réussi à ralentir l’hémorragie.
- Dépêchons-nous de le ramener à Crowbanner, il pourra peut-être le sauver, dit Héloïse.
- Et Marl ? demanda Shan, les yeux embués de larmes. On ne va pas le laisser là tout de même.
- Je le porterai, vous, occupez-vous de Kerval, répondit Merrick.

Ils rentrèrent à leur campement. Delilah fondit en larmes en voyant les deux corps inanimés. Red eut tout le mal du monde à calmer la fureur d’Ours.
Kerval et Marl furent allongé sur le sol, Crowbanner s’agenouilla auprès du Maître d’Armes, posa une main sur son front et l’autre sur sa blessure, ferma les yeux et pria.
Le corps de Kerval se mit à briller, la blessure se referma doucement et le Maître d’Armes reprit des couleurs, il respirait faiblement, mais il respirait.
L’évêque se releva et Ours lui demanda :
- Et la gamin ?
- J’ai bien peur qu’il ne soit hélas trop tard pour lui. La vie l’a déjà quitté.
Les traits d’Ours se figèrent, puis se firent dur comme l’acier.
- Je tuerai ces Haruspiciens jusqu’au dernier !

Un bruit de tonnerre assourdissant éclata au cœur des Montagnes Noirs. Un rayon de lumière jaillit de la Grotte des Enfers et se dirigea sur eux. Il vint frapper la dépouille inanimée de Marl. Le corps de l’enfant se mit à flotter et disparu.
Une voix caverneuse résonna dans la tête des aventuriers.
- Humains, hâtez-vous de me rejoindre, le temps vous est compté
- Qu’avez-vous fait de Marl ? demanda Ours
- Ne vous en faites pas pour lui, suivez la lumière et hâtez-vous ! Vous êtes sous ma protection
Le silence revint dans leur tête.
Loin devant eux, dans les montagnes un point lumineux brillait, leur indiquant le chemin.
Ours porta Kerval et ils se remirent en route, la mine sombre.

Ils marchaient depuis près d’une heure maintenant et le point lumineux ne semblait toujours pas se rapprocher. Le chemin était sinueux et ils avaient du faire nombre de détours afin de pouvoir continuer à avancer.
Au détour d’un chemin, Kerval – qui avait récupéré ses forces et conduisait la marche – aperçut un squelette en train de déambuler loin devant lui.
Kerval fit signe à ses compagnons de s’arrêter et ils observèrent le squelette.
Le mort-vivant semblait monter la garde, ses os jadis blancs avaient maintenant une teinte grise, il tenait dans sa main gauche une grande épée rouillée et un large bouclier en bronze dans la main droite.
Il fût bientôt rejoint par d’autres squelettes, guerriers affublés des mêmes armes ou bien mages vêtus d’une vieille toge élimée tenant un bâton dans la main.
Les squelettes se tournèrent vers leur droite ; ils semblaient écouter quelqu’un caché par un tas de rocher. Kerval se déplaçât sur le coté afin de voir qui était la personne que les squelettes écoutaient, mais les rochers étaient trop hauts, ou bien la personne était cachée plus loin derrière.
Les squelettes opinèrent, tournèrent les talons et disparurent par un chemin s’enfonçant profondément dans les montagnes.
Kerval attendit quelques instant, puis il se leva et fit quelques pas pour vérifier que la voie était libre. Il fit signe à ses compagnons de le suivre et ils continuèrent leur marche.
Les Montagnes Noires étaient vraiment sinistres, la seule végétation qu’on y trouvait se résumait à quelques arbustes morts, calcinés ou arrachés, ca et là on voyait quelques touffes d’herbe jaunit, des fumerolles répandant une odeur de souffre qui piquait le nez jaillissaient du sol, des rongeurs déguerpissaient dès qu’ils les entendaient arriver. Sur la route ils avaient croisé un adorable petit animal qui ressemblait à une marmotte au pelage gris brun, en plus petit, Delilah s’était approché pour le caresser, mais l’animal avait ouvert grand sa gueule révélant trois rangées de dents bien aiguisées, l’animal avait bondit, toutes griffes dehors et avait été coupé en deux par la hache de Shan. Delilah s’était relevé, sous le choc, et ils avaient continué leur route.
Ils arrivaient maintenant à une croisée de chemin formant une large place. Ils s’arrêtèrent au milieu afin de décider la direction à prendre.
- Je pense que nous devons continuer tout droit, dit Kerval.
- Je ne suis pas d’accord, la lumière était haute dans la montagne, or, le chemin que vous voulez nous faire prendre descend, lui répondit Merrick en hochant la tête. Prenons le chemin qui monte, sur notre droite.
- Et moi je vous dis que nous faisons fausse route, nous aurions du prendre à gauche au dernier croisement, contra Red.
Chacun y allait des ses arguments, persuadé d’avoir raison, les voix s’élevèrent aussi n’entendirent-il pas les troupes de squelettes qui arrivaient de tous les cotés.
- Mes amis, je pense que notre problème est résolu, les coupa Crowbanner en leur montrant leurs visiteurs.
- Diantre ! et voilà, à cause de toi, nous ne les avons pas entendu arriver, lança Kerval à l’adresse de Merrick.
- Quoi ? Mais c’est vous qui criiez plus fort que tout le monde ! argua Merrick.
- Messieurs, ca suffit, je pense que…
Un des mages squelettes s’était avancés et pointait son bâton vers le groupe. Ils furent tous gagné par la fatigue et s’écroulèrent les uns après les autres.

Delilah se réveilla allongée sur une couche de paille inconfortable, dans une cellule humide. Une odeur de moisi et de pourriture lui monta au nez. Elle se demanda où étaient ses amis. Elle se leva et s’approcha de la porte de sa cellule. Des cellules étaient alignées de chaque cotés d’un couloir mal éclairé.
- Ah ! vous êtes enfin réveillé princesse, dit une voix dans la cellule d’en face.
- Crowbanner ? C’est vous ?
- Oui, oui, c’est bien moi. Vous vous sentez bien ?
- Oui, enfin, je crois… Où sommes-nous ?
- Nous sommes dans les prisons de Jarko, répondit Kerval.
Delilah tourna la tête vers sa droite et s’adressa au Maître d’Armes.
- Kerval ? Tout le monde est là ?
- Je pense que ou….
- Non, le coupa Merrick.
- Qui n’est pas là ? demanda Crowbanner.
- Shan, je ne l’ai pas vu, ni entendu depuis que nous sommes ici, et ça, ce n’est pas normal.
- Ours n’est pas là non plus, ajouta Red du fond de sa cellule, en face de celle de Kerval.
- Où peuvent-ils bien être ? demanda Delilah.
- SILENCE ! cria une voix venant du bout du couloir.

Shan ouvrit les yeux, et essaya de bouger mais ses mains et ses pieds étaient ligotés sur une table en marbre noir. Elle releva la tête et regarda autour d’elle, elle était dans une grande salle illuminée par des torches accrochées aux murs, des statues morbides décoraient la salle et des instruments coupants dont elle ne connaissait pas l’utilité pendaient, accrochés au mur sur sa gauche. Sur sa droite, elle aperçut une autre table sur laquelle gisait Ours, encore endormis.
- Ours ! chuchota-t-elle. Ours, réveille-toi !
Le guerrier remua et ouvrit les yeux.
- On est où ? Pourquoi je suis attaché ? Où sont les autres ?
- Je n’en sais rien, je viens de me réveiller.
Une porte grinça dans leur dos, ils se tordirent le coup pour voir qui venait d’entrer. Deux squelettes en armures rouillées entrèrent dans la salle, suivit par un homme, court sur pattes, habillé d’une longue toge noire traînant sur le sol.
- Bienvenue dans mon humble demeure, dit l’homme en souriant.
- Jarko ! s’écria Ours en grinçant des dents. Immonde déjection de troll, que nous veux-tu ?
- Oh, oh, oh, je vois que tu n’as pas changé Ours, toujours la même fougue, mais tu vas devoir te calmer, car je te rappelle que tu n’es pas dans une position de force…
- Pourquoi sommes-nous attachés sur ces tables ? demanda Shan
- Oh, mais ce ne sont pas des tables, vous êtes allongés sur des autels sacrificiels, leur répondit le nécromancien en éclatant d’un rire gras.

Jarko se pencha au-dessus de Shan. La chevelure du nécromancien était cachée sous un épais chapeau pointu gris, il avait une longue barbe soigneusement taillée aussi grise que son chapeau. Il observa la jeune femme en se frottant le menton et en marmonnant.
- Oui, tu es parfaite, tout à fait ce qu’il me faut, dit-il en se tournant vers Ours.
- Parfaite pour quoi ? demanda-t-elle.
- Ahh, Ours, vaillant guerrier, fort et vigoureux, je n’aurai jamais cru que tu serais un jour mon prisonnier. Toi aussi tu seras parfait pour ce que j’ai à faire, dit-il en ignorant la question de Shan.
- Tu crois que nous allons nous laisser faire bien gentiment ? Mais tu te fourres profondément le doigt au fond de ton œil mort, espèce de magicien raté ! grinça Ours.
- Oh, oh, oh, vas-y, déverse ta bile, mais tu rigoleras moins dans quelques instants. Vous, préparez-les, dit-il à l’adresse des deux gardes squelettes.
Le nécromancien sorti de la pièce en ricanant.
Ours et Shan gesticulèrent dans tous les sens pour essayer de se dégager, mais leurs liens étaient trop solides. Les squelettes s’approchèrent et leur arrachèrent leur tunique, ils allèrent ensuite prendre les instruments accrochés au mur, les lames brillaient d’un reflet froid à la lumière des torches.
Les couloirs du repère de Jarko résonnèrent des cris de douleur de Shan et Ours.

- Qu’est-ce que c’était ? demanda Delilah en entendant l’écho des cris de ses amis.
- Ca, je crois que c’était Ours et Shan, répondit Red. Je ne sais pas ce qui se passe, mais nous devons sortir d’ici et en vitesse !
- Tu es as de bonnes, tu n’as qu’à défoncer les portes des cellules avec ta magie, lui dit Kerval, sarcastique.
- J’ai déjà essayé, mais quelque chose ici empêche ma magie de fonctionner.
- C’est vrai, moi aussi, confirma Merrick. Ce lieu doit être protéger par un puissant contre-sort, il absorbe toute ma puissance magique.
- Si j’avais encore ma ceinture, j’y ai des outils pour crocheter les serrures, pesta Kerval. Mais ils nous ont tout pris pendant que nous dormions !
Kerval donna un grand coup de pied dans la porte. Le bruit se répercuta sur les murs.
- Calmez-vous, nous énerver ne résoudra pas nos problèmes, réfléchissons et essayons de trouver une solution.
La porte au bout du couloir s’ouvrit en grinçant. Quelqu’un s’approchait, il marchait à pas lents et bruyants, le bruit de ses pas résonnant dans le couloir.
Ils se tournèrent tous pour voir qui arrivait, leur visiteur marchait lentement, s’arrêta un instant, renifla bruyamment et repris sa marche. La lumière de sa torche illumina les visages des prisonniers qui ouvrirent grand leurs yeux en voyant leur étrange visiteur.
Il était énorme, massif, tout en muscles, la peau vert foncé, des petits yeux globuleux enfoncés dans leurs orbites, une mâchoire énorme dotée de deux petites défenses, un gros nez aplatit et un casque en fer pourvu d’une pointe. Il portait des vêtements en maille argentée et tenait dans sa main un trousseau de clés.
Il regarda les prisonniers en reniflant.
- Que veux-tu ? demanda Kerval, hautain.
L’orque sursauta et se tourna vers le Maître d’Armes.
- Toi être le chef ? demanda t’il ?
- On peut dire ca comme ca, oui, mais tu n’as pas répondu à ma question, qui es-tu ? Et que nous veux-tu ?
- Moi être Grhunt Khul, moi être venu pour aider vous.
- Et pourquoi ferais-tu une chose pareille ? demanda Merrick, méfiant.
- Moi Grhunt Khul, moi pas être d’accord avec méthodes Jarko. Vous devoir vous dépêcher si vous vouloir sauver amis vous.
- Où sont-ils ? demanda Crowbanner
- Eux être salle sacrifice, Jarko avoir besoin eux pour grand sort magique. Moi sortir vous d’ici et vous les sauver. Mais moi demander quelque chose en échange.
- Ah ! Nous y voilà, je savais bien que ca ne pouvait être gratuit. Qu’est-ce que tu veux ?
- Moi vouloir vous emmener moi, moi pas vouloir rester ici, Jarko vouloir me tuer, moi grand guerrier, moi fort, moi Chef Orque ! Moi vous aider !
- Nous n’avons pas vraiment le choix, c’est d’accord, dit Kerval en tendant la main.
Grhunt Khul regarda la main tendue et la pris dans la sienne en la secouant vivement.
- Nous amis, moi vous sortir de là, dit-il avec ce qui ressemblait à un sourire.
L’orque prit une clé dans son trousseau et ouvrit les portes des cellules.
- Vous me suivre, moi vous amener à vos amis.
- Oui, mais nous devons retrouver nos armes avant, fit remarquer Héloïse. On ne pourra pas faire grand chose sans.
- Moi savoir où être armes, moi vous montrer. Nous pas traîner, nous nous dépêcher !

Ils sortirent des prisons, guidé par Grhunt. Il les fit passer dans des couloirs humides et glissants, à peine éclairés par quelques torches. Les murs étaient recouverts d’humidité, la pierre s’effritait quand ce n’était pas des pans de mur entier qui étaient écroulé en travers du chemin, une odeur de pourriture et de mort régnait. Des rats s’enfuyaient sur leur passage.
L’orque s’arrêta non loin d’une grosse porte en fer, se tourna vers ses nouveaux compagnons et chuchota :
- Nous pas faire de bruit, nous être près de là où être Groar.
- Groar, c’est quoi ca ? demanda Red.
- Groar être grand démon rouge. Lui protéger Jarko. Groar très puissant. Nous pas devoir être repéré par Groar.
- C’est compris, allons-y, dit Kerval.
Ils continuèrent d’avancer en faisant le moins de bruit possible. Grhunt les fit descendre le long d’un long escalier de pierre en colimaçon et ils empruntèrent un nouveau couloir, bien éclairé celui-ci.
Au bout se trouvait une porte en fer noir, une étrange mélopée semblait venir de derrière la porte.
- Nous être arrivé, vous être prêt à se battre ?
- Qu’y a t’il derrière la porte ? demanda Crowbanner.
- Derrière porte être Jarko et grands sorciers morts vivants, eux préparer sacrifice, nous y aller et sauver amis à vous et nous partir vite, nous pas combattre Jarko, Jarko être trop puissant.
- D’accord, en avant.

Shan ne sentait plus la douleur lui mordre la chair. Au début cela avait été insupportable quand le squelette s’était approché d’elle et avait commencé à lui dessiner des symboles mystiques sur la peau avec une dague. Elle ne sentait plus les larmes couler sur ses joues, elle ne sentait pas la petite flaque de sang qui s’était formée au creux de son ventre et qui s’écoulait lentement sur la table. Shan était partie ailleurs, dans un monde où la douleur n’était plus, il y faisait chaud, elle s’y sentait bien, elle voulait y rester, à quoi bon retourner dans un monde de souffrance et de peine ? Non ! Elle se dit que ca ne lui ressemblait pas d’abandonner si facilement. Au cours de sa vie, elle avait connu bien des souffrances, et celle-ci n’en était qu’une parmi d’autre, elle n’allait pas abandonner ses amis, pas ici, pas maintenant, pas si près du but.
Elle rouvrit doucement les yeux et regarda Ours. Lui aussi était dans un état lamentable, on lui avait fait subir les même tortures. Il la regardait et son regard lui disait de tenir bon.
Le garde squelette s’approcha d’eux et les força à boire d’un élixir au goût abominable. Shan commença à avoir des vertiges, sa vision se troubla, les sons autour d’elle résonnaient dans sa tête.
Elle entendit une terrible explosion derrière elle, mais ce n’était que la porte qui s’ouvrait, laissant le passage à Jarko.
Le nécromancien avait troqué sa toge noire pour une longue robe grise assortie à sa barbe et son chapeau. Il s’avança au centre de la salle et prit place sur un promontoire.
Derrière Jarko entrèrent huit sorciers squelettes vêtus de la même façon que leur maître. Ils vinrent se placer aux angles des autels sacrificiels et écartèrent les bras en faisant claquer sèchement leur mâchoire.
- Bien, nous allons pouvoir commencer, s’exclama Jarko.
Le nécromancien ouvrit un gros grimoire dont les pages étaient faites de peau humaine et les textes écrits en lettres de sang. Il commença à lire.

Ô Maître du Monde Sous-terrain.
Prête moi les pouvoir qui sont tiens.
Toi qui règne sur les ténèbres du monde
Répands en moi ton pouvoir comme une onde.
Pour toi j’offre ces deux corps.
Afin que tu me rendes plus fort.


L’air commença à grésiller ; devant chaque autel, un sorcier squelette dégaina une dague et la leva au-dessus des corps attachés, prêt à la planter dans la gorge des prisonniers.
L’atmosphère de la salle se réchauffa, une boule lumineuse apparue au-dessus des autels et Jarko cria :
- Maintenant !
Les sorciers squelettes abaissèrent leur dague et arrêtèrent leur mouvement tandis qu’une porte au fond s’ouvrait et qu’un orque courrait vers eux en hurlant, suivit par les autres prisonniers.

Grhunt s’élança vers l’autel où Shan était allongée et Kerval vers celui d’Ours et ils envoyèrent valdinguer les sorciers squelettes avant que ceux-ci aient eu le temps de réagir.
Héloïse faisait voler une pluie de flèches, tentant tant bien que mal de toucher les morts-vivants, mais ses flèches passaient toutes au travers des os des squelettes, elle dégaina donc une longue dague et se jeta dans la bataille, aidée de Delilah et sa rapière et des deux mages qui projetaient leurs ennemis contre les murs – la magie fonctionnant ici.
Jarko frappa le pupitre qui était devant lui, son visage déformé par un rictus hideux.
- Grhunt, espèce de traître, comment peux-tu nous trahir, Araf Khul, ton frère et moi !
- Moi pas être d’accord avec agissements de vous, répondit l’orque en détachant les liens de Shan. Moi vous combattre avec nouveaux amis.
- Des amis ? Mais tu penses bien qu’ils vont t’abandonner dès qu’ils n’auront plus besoin de toi, alors que moi, j’ai toujours été là pour toi. Et c’est comme ca que tu me remercie ?
- Non, ca pas être vrai, moi avoir confiance.
- J’ai trop perdu mon temps avec vous. Groar ! Viens ici, je te l’ordonne.
Ours se relevait difficilement mais Kerval l’aidait à tenir debout, de leur coté, Shan, Merrick, Héloïse et Delilah avait battu tous leurs adversaires, seul restait Jarko. Ils allèrent aider Shan quand le sol se mit à trembler au rythme régulier des pas du démon.
Jarko souriait et disparu dans le sol en souhaitant bonne chance aux combattants.
Ils se tournèrent tous vers la porte par laquelle ils étaient arrivés. Une énorme main rouge et griffue attrapa le chambranle, suivit ensuite par une tête tout droit sortie du pire cauchemar d’un enfant.
Le démon entra dans la salle. Il mesurait près de trois mètres de haut, sa peau était entièrement rouge, ses jambes étaient aussi larges que deux hommes et ses bras au moins aussi gros. D’énormes pectoraux gonflaient sa poitrine. Deux cornes partaient du haut de sa tête en tourbillonnant pour finir sur ses épaules. Sa bouche ouverte laissait apparaître des dents jaunes et pointues entre lesquelles s’échappait un souffle fétide.
- Courrez ! cria Grhunt. Moi l’occuper pendant vous sortir.
- Mais, on ne connaît pas le chemin ! répondit Kerval.
- Chemin être facile, être toujours tout droit et droite après escalier. Vous y aller ! ! Moi pas le retenir très longtemps.
- Non, on ne te laisse pas, objecta Red.
- Jarko avoir raison, moi inutile, moi avoir dit aider vous, moi combattre Groar, vous partir !
Le ton de l’orque était sans appel et tous prirent la direction de la sortie en courant, Kerval aidait Ours à tenir debout tandis que Merrick portait Shan dans ses bras.
Red, Delilah et Héloïse ouvraient la route, se débarrassant des ennemis rencontrés.
Arrivé en haut de l’escalier, ils prirent à droite et ne tardèrent pas à voir un point lumineux au loin. Quelques instants plus tard, ils étaient dehors, le soleil était haut dans le ciel. Ils s’éloignèrent un peu et déposèrent les blessés que Crowbanner commença à soigner avec ses sorts de guérison.
Kerval se releva et fit quelques pas en direction de la grotte de Jarko.
- Où allez-vous ? demanda Crowbanner.
- Je vais chercher l’Orque.
- C’est de la folie !
- Je sais, mais je ne le laisserai pas mourir seul.
- Je viens avec vous, dit Merrick.
- Moi aussi, ajouta Ours.
- Ours, tu es fou, tu es encore faible, objecta Red.
- Pas grave, j’ai l’habitude, et j’ai vu pire.
Ils avancèrent vers l’entrée de la grotte en courant et s’arrêtèrent juste à l’entrée. Un bruit de pas se rapprochait d’eux.
Ils se cachèrent de chaque coté de l’entrée et attendirent.
Grhunt sortit difficilement, les corps dégoulinant de sang vert et s’effondra au sol. Ours et Kerval l’aidèrent à se relever et l’emmenèrent en sécurité auprès des autres.
- Grhunt remercier amis.
- C’est normal, mais comment t’en es-tu sorti ?
- Grhunt être orque, mais Grhunt être malin. Moi avoir taper colonne de pierre pour la faire tomber sur Groar. Moi être vite parti après.
- Et ces blessures ?
- Groar être très fort et très rapide, Grhunt blessé, mais Grhunt pas avoir mal. Nous partir, Groar peut-être venir.
- Bien, ne traînons pas alors, dit Kerval.
- Oui, mais par où ? Je ne vois plus la lumière du dragon.
- Demandons à notre ami s’il sait où est la Grotte des Enfers. Grhunt ?
- Oui ? Vous vouloir aller dans Grotte des Enfers ? Moi savoir où elle être. Ca pas être loin, moi vous montrer. Vous me suivre.
Ils cheminèrent dans les montagnes pendant près d’une heure et Grhunt s’arrêta devant une énorme brèche dans la montagne. De la fumée blanche et une chaleur étouffante s’en échappaient. Juste au-dessus du trou, une boule de lumière brillait, elle s’éteint à l’arrivée du groupe.
- Je crois qu’on y est, dit Bron.
- Oui, nous être arrivé. Là être Grotte des Enfers. Ici grand dragon habiter, selon légende.
- C’est bien ca, dit Crowbanner, c’est lui que nous allons voir.
- Alors ne perdons pas de temps, notre séjour chez Jarko nous a assez retardés, ajouta Kerval en s’enfonçant dans les profondeurs de la grotte, bientôt suivi par ses compagnons.

Ils avançaient prudemment les uns derrières les autres dans la montagne, les deux mages, Merrick et Red, éclairaient leurs compagnons grâce à leurs sorts de lumière, Merrick ouvrait la marche suivit de Kerval et Ours, venaient ensuite Bron et Shan, Héloïse et Crowbanner, puis Grhunt Khul et enfin, Red qui fermait la marche.
Le couloir qu’ils empruntaient était très large, ils auraient put tous y circuler de front, mais il leur avait semblé plus prudent d’avancer deux par deux.
Ils avaient eu de la chance car, pour le moment, il n’y avait qu’un seul chemin à suivre, aucun embranchement, aucun croisement.
Au loin, ils percevaient le bruit d’une rivière souterraine. Le bruit se transforma vite en rugissement au fur et à mesure qu’ils approchaient de la rivière. Ils aperçurent une lueur devant eux et pressèrent le pas. Le couloir s’élargit et se transforma en corniche large d’environ un mètre. Devant eux, un précipice de plus de dix mètres de large les séparait de la suite du couloir. En contrebas du précipice, la rivière souterraine coulait à flots, des embruns provoqués par les remous de la rivière remontaient très haut dans la salle et rafraîchissaient l’air chaud de la grotte.
- C’est malin, comment on va passer maintenant ? demanda Ours.
- Il devait y avoir un pont, regarder ces piquets ici, dit Crowbanner en pointant deux morceaux de bois plantés dans la pierre.
- Et d’où vient la lumière ici ? demanda Shan en tournant la tête de droite et de gauche.
- La salle doit être à ciel ouvert, à mon avis, dit Red.
- Non, regardez, les parois sont recouvertes de cristaux, et c’est la lumière de nos torches qui se reflète dessus et qui éclaire la salle, répondit Kerval.
- Ca pourrait être ca, mais la salle était éclairée avant que nous y arrivions, le contredit Crowbanner.
- Regardez la bas ! s’écria Merrick. Il y a un pont.
Ils se tournèrent tous dans la direction indiquée par Merrick, à plusieurs mètres d’eux, caché par les embruns, un pont de pierre était suspendu au-dessus du vide. La pierre semblait briller de mille feux.
- Et bien, maintenant nous savons d’où vient la lumière. Mais je ne vois pas comment rejoindre le pont, il n’y a aucun passage, dit Delilah.
- Si, il y en a un, dit Merrick. Il faut passer par la corniche qui longe la paroi.
- Tu es fou ? Elle ne fait que quelques centimètres de large, c’est impossible, objecta Héloïse. Nous risquons de tomber dans le précipice.
- Le fait est que nous n’avons pas le choix, mais j’ai peut-être une solution, ajouta Crowbanner. Il est heureux que nous ayons abandonné les chevaux. Je vais lancer un sort de lévitation mineure, cela devrait faciliter notre avancée le long de la corniche jusqu’au pont.
- Et pourquoi ne pas nous faire voler directement de l’autre coté du précipice ? demanda Bron.
- Je n’ai plus assez de force pour cela, j’en ai utilisé beaucoup pour soigner nos compagnons.
- Assez tergiversé, faisons comme ca, c’est mieux que rien, ordonna Kerval. Aller !
Crowbanner récita son incantation, et tout le groupe se senti d’un seul coup plus léger et ils avancèrent vers la corniche.
La traversée fut difficile, Ours et Grhunt, à cause de leur stature imposante, manquèrent plusieurs fois de tomber dans le vide, mais grâce au sort de l’évêque, ils arrivèrent bientôt au pont de pierre.
Le pont n’était pas fait de pierres, mais dans une matière qui leur était inconnue et qui brillait dans le noir, à l’autre bout, une nouvelle grotte s’enfonçait dans les profondeurs de la montagne.
Ils traversèrent le pont, leurs pieds provoquaient un bruit métallique sur la surface du pont.
De l’autre coté, il s’engagèrent dans la nouvelle grotte.
Il marchèrent longtemps, le couloir rétrécissait de plus en plus, si bien qu’Ours avait du mal à avancer de front, puis ils arrivèrent à un croisement.
- Et bien, par où allons nous maintenant ? demanda Shan.
- J’ai ma petite idée sur la question, la chaleur semble être plus forte dans le tunnel de droite, donc, c’est par-là que nous allons, répondit Crowbanner.
- Et pourquoi ? demanda Ours
- Je vous rappelle que nous allons voir un dragon, et les dragons vivent à la chaleur, c’est pour ça que nous sommes dans un volcan.
- Comment ca dans un volcan ? s’étonna Kerval.
- Vous n’aviez pas compris que nous étions dans un volcan ? La pierre dont est faite cette montagne, les cristaux formé par la chaleur… Je pensais que vous le saviez, désolé. Mais ca ne va pas nous arrêter là ?
- Mais, il ne risque pas de se réveiller ? demanda Kerval.
- Je ne pense pas, il n’est pas fait mention d’une quelconque éruption volcanique depuis des siècles sur Arakas.
- Il y a un début à tout, dit Kerval d’un ton sarcastique.
- Soit nous faisons abstraction de ce problème et nous trouvons l’Épée, soit nous abandonnons tout espoir de sauver le roi, ajouta Crowbanner d’un ton de reproche. Le temps presse, et nous n’avons pas fait tout ce chemin, ni affronter toutes ces épreuves pour faire demi-tour si près du but !
- Vous avez raison. En avant.
Ils continuèrent leur chemin et le couloir s’élargit pour s’arrêter en cul-de-sac.
- Je crois que vous vous êtes trompé, Crowbanner, dit Ours.
- Je n’en suis pas si sur, dit Héloïse. Ce mur ne me paraît pas naturel.
Elle prit une flèche dans son carquois et la tira dans le mur. La flèche se planta et le mur cria.
- C’est bien la première fois que j’entends un mur crier, s’étonna Ours.
- C’est parce que ce n’est pas un mur, Ours, dit Red. C’est un élémentaire de la Terre.
Devant eux, le passage se libérait, les murs tremblaient et l’élémentaire reprenait sa forme de combat. Il n’avait pas de pieds, ses jambes s’arrêtaient à mi-cuisse et s’enfonçaient directement dans le sol. Ses bras étaient aussi large que des troncs d’arbres et son énorme tête de pierre était hérissée de pointes.
- Ne bougez pas, je m’en occupe, dit Merrick en s’avançant. J’ai l’habitude de ces petites bêtes.
L’élémentaire poussa un cri et frappa le sol de sa main à quelques centimètres du mage. Merrick ne bougea pas, il pointa simplement son bâton sur l’élémentaire. La chaleur ambiante qui régnait dans le tunnel chuta d’un seul coup et l’élémentaire se recouvrit rapidement de glace. Il ne pouvait plus bouger.
- À toi, Shan.
- Compris, répondit la guerrière.
Shan s’avança vers la créature de pierre et lui asséna un coup de hache. La glace commença à se craqueler, les fissures s’agrandirent et le bloc de glace se brisa. La pierre prisonnière de la glace se brisa en même temps.
Le passage était libre.
- Bravo, le félicita Red. Je n’aurai pas fait mieux.
- Bah, c’est juste une question d’habitude. Mes amis et moi, nous en avons croisé souvent durant nos périples, répondit Merrick en souriant.
- Et bien, continuons, ajouta Kerval. En avant, allez ! On se presse.
Ils continuèrent leur chemin dans le tunnel. La chaleur devenait de plus en plus insupportable, les parois du tunnel se réchauffèrent et rougirent sous l’effet de la chaleur.
Et puis, loin devant eux, la lumière, la fin du tunnel.
Ils coururent les derniers mètres et débouchèrent dans une salle immense.
Et, devant eux, Grant, le Dragon d’Or, et à ses pieds, le Flamboyant, l’Épée d’Artherk.

La brume s’était retirée de SilverSky, et les premiers cris des villageois apeurés commencèrent à retentir dans les rues et les maisons à mesures que les cadavres étaient découverts.
La Garde Royale reçu pour ordre de patrouiller dans les rues de la capitale encore plus que d’habitude, mais les gardes eux-mêmes n’étaient pas rassurés. C’était eux qui avaient été chargé d’amener les morts au château afin qu’ils soient étudiés et qu’on l’on trouve qui avait fait ca. Une dizaine de cadavres avait été découverts quand la brume s’était levée, et les gardes n’avaient pas envie de croiser le ou les auteurs de ces crimes.
Il n’y avait presque personne dans les rues de SilverSky, les habitants préférant croire qu’ils étaient à l’abri chez eux, tout en sachant inconsciemment que cela n’avait pas sauvé les malheureux prêtres d’Artherk dans leur temple.
Les gardes passèrent devant la fontaine, sur la Grand’ Place de SilverSky et s’arrêtèrent, horrifiés par le spectacle qu’ils avaient devant les yeux.
L’eau jadis d’un bleu profond était maintenant complètement rouge, des corps flottaient dans l’eau, mais il était impossible de deviner ce qu’ils étaient avant, homme, femme ou enfant ?
Les gardes s’affairaient à sortir les cadavres de l’eau en se retenant de vomir quand l’un d’entre eux se releva et montra quelque chose à ses compagnons.
- Hey, regardez ce type bizarre là-bas, dit-il en pointant une silhouette sur la route menant à la sortie de la ville.
- Quoi ? Qu’as-tu vu, Kaneda ?
Les gardes se relevèrent et regardèrent dans la direction indiquée.
Quelqu’un était debout au milieu de la route. Il portait une vieille robe noire tout élimée et déchirée, sa tête était cachée sous une capuche.
- Qui êtes-vous ? Et que voulez-vous ? demanda Kaneda.
La silhouette ne bougea pas. Les gardes s’approchèrent de quelques pas. Ils ne savaient pas pourquoi, mais la personne qu’ils avaient en face d’eux ne leur inspirait pas confiance.
- Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous venez faire à SilverSky ? répéta Kaneda en haussant le ton.
Une bourrasque de vent fit retomber la capuche de la silhouette sur ses épaules. Kaneda et ses compagnons reculèrent d’effroi en voyant le visage hideux qu’ils avaient en face d’eux. C’était humain, sans nulle doute, un homme, peut être. Sa peau était ridée, couverte de pustules et de verrues, son nez était tordu, il arborait un sourire sournois révélant des dents noires.
L’homme s’avança et s’adressa aux gardes d’une voix semblant venir d’outre-tombe.
Sa voix résonna dans tout le royaume et tous purent l’entendre.
- Tremblez Humains, car l’Heure de votre Jugement est arrivée. Tremblez Humains, car malgré mes mises en garde, vous avez préféré vous complaire dans le vice et la fornication. Tremblez Humains, car voici venu l’Haruspice. Seuls les Purs seront sauvés, les autres seront jetés dans les flammes de la Mort. Tremblez Humains, l’Haruspice est là.
- Encore un illuminé, dit un des gardes.
L’Haruspice pointa un doigt sur le garde qui porta ses mains à sa gorge et s’écroula au sol, mort, sous les yeux ahuris de ses amis.
- Poolet ! s’écrièrent ses amis. Tu vas payer !
- N’espérez pas pouvoir me toucher, vous n’êtes pas de taille à lutter contre moi
De la brume sortait de sa robe et s’étalait autour de lui. Des grondements sourds résonnèrent dans le brouillard et des créatures de cauchemars en sortirent.
- Si vous m’attaquez, mes fidèles servants vous auront déchiqueté avant d’avoir esquissé un mouvement. Vous feriez mieux de retrouver vos familles et de vous préparer, car, en vérité je vous le dis, votre dernière heure est arrivée.
- Nous n’avons que faire de tes menaces, s’écria Arkan, un des gardes.
Les gardes dégainèrent leur épée et s’avancèrent vers l’Haruspice.
- Owen ? Que faites-vous là ? demanda Kaneda en voyant le Grand Chambellan arriver. Ne restez pas ici, c’est dangereux !
Le Chambellan contourna les gardes et s’approcha de l’Haruspice.
- Maître, enfin, vous voilà, dit-il en s’agenouillant. Laissez-moi vous débarrasser de cette vermine.
- Comme tu veux, vas-y
Owen se retourna et regarda les gardes.
- Maître ? Owen, qu’est-ce qui vous prend ? demanda Kaneda.
- Il ne me prend rien du tout. J’ai toujours été au service de l’Haruspice, je préparais sa venue. La maladie du roi était une véritable aubaine. Mais il a fallut que ces idiots de Crowbanner et Kerval s’en mêlent et décident d’aller chercher le Flamboyant. Ils doivent être morts à l’heure qu’il est. Plus rien ne pourra stopper l’avènement du Maître maintenant. Et vous, vous ne vivrez pas assez longtemps pour le voir.
- Sois maudit, infâme traître !
- Oh, oh, oh, tu me flattes, petit garde. Maintenant, tu vas mourir, comme tes compagnons, et comme tous les humains du royaume. Maître, prêtez-moi votre force.
Le corps d’Owen fut pris de convulsion, ses muscles se contractèrent, gonflèrent et doublèrent de volume, ses vêtements craquèrent sous la pression, sa peau blanche se teinta en gris, sa tête grossit et perdit toute apparence humaine, de longues griffes acérées remplacèrent ses doigts.
- Venez, je vous attends, dit-il d’une voix aigrelette. Venez rencontrer votre mort.
Les gardes s’élancèrent sur ce qui restait d’Owen.

Contrairement à ce qu’ils avaient pensé, il ne faisait pas chaud dans la caverne de Grant, la température y était au contraire agréable, mais de toute façon, ils n’y faisaient pas attention, émerveillés qu’ils étaient par le spectacle qui s’offrait à eux.
La tanière de Grant avait été taillée dans la roche, les murs étaient recouverts de runes et de symboles mystiques, des torches finement sculptées pendus à d’immenses colonnes de pierre et des candélabres illuminaient la salle.
Le sol était jonché d’or, de bijoux, de joyaux et de pierres précieuses, des armes et des armures traînaient aussi parmi les richesses.
Et au milieu de toutes ces merveilles, trônait majestueusement le Dragon d’Or.
Il n’avait d’or que le nom, l’âge ayant terni l’éclat de ses écailles, mais il n’avait pas perdu sa grandeur, et sa vision imposait le respect.
Et juste devant lui, plantée dans un bloc de pierre, lame de cristal et pommeau incrusté de diamants, Flamboyant, l’Épée d’Artherk semblait les appeler.
Le grand dragon étira ses ailes et tourna sa gueule vers ses visiteurs.
- Enfin, vous voilà. Approchez-vous, n’ayez nulle crainte. Le moment est venu pour vous de mener le combat de votre vie. Vous n’êtes pas au courant, mais l’heure de la Quatrième Venue de l’Haruspice est arrivée. En ce moment même il répand la douleur et la mort sur les terres.
Kerval et ses compagnons échangèrent des visages consternés en apprenant cette nouvelle.
- Seule cette épée dont j’ai la garde depuis de nombreuses années est à même de vous sauver. Que le descendant de Marten s’avance et la retire de sa prison de pierre !
Delilah s’avança vers le bloc de pierre et saisie l’épée par la garde. Elle ferma les yeux et ressentie une douce chaleur se répandre dans son corps. Elle fut envahie par des visions du passé de son illustre ancêtre, Marten. Elle vit le roi Marten mener son combat contre les forces d’Angélus, elle vit la puissance du Flamboyant.
Delilah rouvrit les yeux, elle était en train de brandir l’épée. La lame brilla d’une lueur éclatante et puis l’éclat faiblit et disparu.
- Qu’est ce qui c’est passé ? demanda Delilah. Pourquoi son éclat a t’il disparu ?
- Ce que je craignais est hélas arrivé. Flamboyant a perdu sa puissance. Vous devez rencontrer de toute urgence celui qui l’a forgé, Messire Irwen Silversmith, lui seul pourra lui redonner sa puissance d’antan.
- Mais, il a du mourir depuis longtemps, dit Delilah, désespérée.
- Attendez une minute, Princesse, dit Crowbanner. J’avais pensé à ce forgeron, son nom était mentionné dans le journal du roi Marten. Et, si ma mémoire ne me joue pas de tour, il y a encore un Silversmith qui vit sur Arakas, non loin du Cercle des Druides. Il ne fait nulle doute qu’il est un des descendants d’Irwen. Il saura peut-être nous aider.
- Mais, cela va nous prendre encore des jours pour nous rendre jusqu’à lui, et le temps nous est maintenant compté ! s’exclama Kerval.
- Le temps n’est pas un problème. Je peux user de mes dernières forces pour téléporter trois d’entre vous jusqu’à lui. Les autres devront retourner au plus vite au château pour le protéger. Marl vous y aidera.
- Marl ? s’écrièrent-ils tous en cœur.
- Je l’avais oublié, après tout ce qui nous est arrivé. Où est-il ? demanda Ours.
- Je suis ici, dit une voix derrière Grant.
Marl sorti de sa cachette, il avait l’air en pleine forme. Il portait des nouveaux vêtements, flambants neufs, un pantalon d’un blanc immaculé, une chemise bleu marine fermée par une cordelette et des bottes en cuir marron.
- Je vais bien, grâce à ses pouvoirs Grant m’a sauvé. Il m’a tout raconté, il nous suit depuis le début, vous saviez ? Il m’a expliqué que j’étais le dernier survivant du peuple des Hommes-Dragons, et c’est grâce à ca que je vais vous aider à retourner au château en un clin d’œil.
- Doucement, doucement, dit Kerval. Nous devons décider de qui va retourner au château et qui va aller voir le forgeron.
- Évidemment, moi je vais voir le forgeron, dit Delilah.
- Je l’accompagne, s’exclama Shan.
- Et moi aussi, je viens, ajouta Héloïse.
- Bien, donc, les femmes vont forger l’épée et les hommes vont défendre le royaume, dit Merrick d’un ton ironique.
- Tout à fait, répondit Shan en lui lançant un regard noir. Et vous feriez mieux de vous dépêcher.
- Préparez-vous mesdames, le voyage va secouer un petit peu
Les trois femmes se prirent par la main et l’air commença à grésiller autour d’elles.
- Attendez ! s’écria Crowbanner. Princesse, prenez ceci, cela pourrait vous être utile chez le forgeron. Ce sont les ingrédients qu’Irwen Silversmith avait utilisé pour forger le Flamboyant.
- Merci, Crowbanner, dit Delilah en souriant avant de disparaître.
Il y eut une petite explosion et les femmes n’étaient plus là.
- Bien, à nous maintenant, dit Kerval. Retourner à SilverSky dans cet état serait pure folie. Il nous faudrait lever une armée.
- C’est en cours, vaillant Maître d’Armes. Le peuple de Goldmoon est en ce moment même en train de se rassembler aux portes de la capitale, prêt à défendre leur royaume. Je leur ai parlé pendant leur sommeil et leur ai donné l’ordre de se rassembler. Ils n’attendent plus que vous. Mais avant que vous partiez, j’ai un dernier cadeau à vous faire… Allez derrière… moi et prenez ce que… vous y trouverez.
Le dragon toussa, il avait de plus en plus de mal à respirer.
Kerval et ses compagnons allèrent derrière le dragon. Devant eux, sur une grande table, étaient disposés différentes sortes d’armes et d’armures.
- Ces armes sont toutes magiques. En elles résident un pouvoir qui les rend plus puissantes et plus résistantes. Tout comme les armures. Prenez ce que vous voulez, ou plutôt, laissez-vous choisir par l’arme et l’armure qui vous conviendront le plus.
Kerval choisit une hallebarde ciselée d’or avec un manche en ivoire et une armure de plates elfiques.
Ours jeta son dévolu sur une double hache à deux mains, ainsi qu’une tunique en mailles.
Bron repéra une longue épée à double tranchant et choisit la même armure que Kerval.
Les mages prirent chacun un bâton magique dont le bout était fait d’une énorme pierre précieuse aux propriétés magiques. Ils enfilèrent des nouvelles toges qui amélioraient la puissance de leurs sorts et les protégeaient par la même occasion.
Marl sourit en les voyant reparaître.
- Vous êtes tous magnifiques. Vous êtes entourés d’un halo lumineux, c’est génial, dit-il avec un sourire malicieux.
- Merci Marl. Maintenant, nous sommes prêts à retourner à SilverSky. En avant !
- En avant ! s’écrièrent les autres en cœur.
- Je vous souhaite… bonne chance, et je regrette simplement de ne pas pouvoir…assister à la victoire du…Bien.
- Tu vas t’en sortir Grant, tu es fort, dit Marl l’air sombre. Grant ? Grant !
Le dragon avait reposé sa gueule entre ses pattes, il ne respirait plus.
Marl se jeta sur lui, lui martela les flancs en pleurant, en lui ordonnant de ne pas mourir. Mais il était trop tard.
Ours s’approcha de lui et posa sa main sur son épaule. Marl se retourna et se jeta dans les bras du guerrier.
- Ne pleure pas, gamin. Il a enfin trouvé le repos qu’il méritait. Nous, nous avons un combat à mener. Fais honneur à Grant ! Fais qu’il soit fier de t’avoir sauvé des griffes de la mort !
Marl essuya ses larmes avec sa manche et retrouva le sourire.
- Tu as raison, Ours. Allons-y, dit-il en s’écartant de la sortie.
- Heu.. Marl, la sortie est derrière nous, dit Ours en pointant le tunnel par où ils étaient venus.
- Je sais, mais nous sortons par en haut, répondit Marl avec un grand sourire.
- Par en haut ? Mais comment ? s’écria Kerval
- Surprise ! lui répondit Marl.
Sous leurs yeux, le corps de l’enfant se mit à grandir, sa peau se couvrit d’écaille et une longue queue déchira son pantalon.
- Montez, leur dit Marl. Je vous amène à SilverSky.
Les autres se regardèrent, étonné, et montèrent sur le dos du dragon.
Marl battit des ailes, envoyant voler pierres précieuses et bourses pleine d’or, et il s’éleva lentement vers la sortie de la montagne.
Un instant plus tard, ils volaient en direction de la capitale.