Rixe dans le val des murmures ...

 

Owen faisait les cent pas dans la chambre du roi.
Il était sans nouvelles des envoyés de Dayo depuis plusieurs jours et cela commençait à l’inquiéter. Il lui restait un dernier recours, mais il hésitait encore à l’utiliser.
Il s’arrêta devant la couche du roi et l’observa. Le monarque, même dans son sommeil malade, avait toujours cette prestance royale qui caractérisait tous les gens de sa lignée. Il avait le teint cireux, mais il semblait en vie. Il avait les traits tirés et fatigués, mais il semblait en bonne santé pour ceux qui ne connaissaient pas la gravité de son état. Les draps posés sur sa poitrine bougeaient en fonction de sa respiration régulière.
Il sortit de la chambre royale et se rendit à la salle du trône. Sur le chemin, il croisa un garde qui l’apostropha :
- Monseigneur, il y, à l’entrée du château, une délégation qui désire s’entretenir avec Sa majesté, que dois-je leur dire ?
- Faites les venir dans la salle du trône, je m’occupe d’eux.
Le garde partit chercher la délégation et Owen le suivit jusqu’à la salle du Trône.
Un petit groupe d’hommes et de femmes entra, intimidé par la beauté du château de leur roi, et s’avança d’un pas hésitant vers Owen qui siégeait dans le trône.
- Que voulez-vous ? demanda Owen d’un ton impérieux.
- Monseigneur, pardonnez-nous de vous déranger, mais nous désirerions parler à Sa majesté, dit un grand homme aux cheveux blond, en s’avançant.
- Le Roy est occupé, il n’a pas de temps à vous accorder pour le moment.
- C’est bien fâcheux que notre roi ne se soucie guère plus des problèmes de son peuple.
- Ne sois pas insolent, manant, et dis-moi en vitesse ce que tu veux, ordonna Owen d’un ton cassant.
Ne se laissant pas démonter pour autant, l’homme repris :
- Et bien, nous souhaiterions savoir ce que Sa majesté compte faire pour régler les problèmes d’invasion que nous subissons.
- Quelles invasions ? demanda Owen, faussement étonné.
- Vous n’êtes pas au courant que les villes et les villages subissent des invasions ininterrompues depuis des jours ? Des sauterelles, des rats, des hordes de Gobelins, des Orques et j’en passe et des meilleurs. Allons Chambellan, je ne peux pas croire que vous ne le savez pas.
- Ah, vous parlez de ces broutilles, il est évident que Sa majesté s’occupe de ce problème. Vous pouvez partir maintenant, j’ai d’autres choses plus importantes à faire, dit-il en leur faisant signe de sortir.
- Nous n’en avons pas fini, Monseigneur.
- Et bien moi si, Gardes ! ! ! Faites sortir ces hommes, ils en ont finis avec moi.
Les gardes arrivèrent et conduirent dehors la délégation qui sorti en protestant.
Owen sortit à son tour de la salle du trône et se dirigeât vers ses appartements en maugréant :
- Non, non, ca ne va pas. Tout arrive beaucoup trop vite. Il ne m’a pas écouté.
Owen arriva devant la porte de ses appartements, l’ouvrit, entra dans la pièce, referma la porte en la claquant et si dirigeât vers une alcôve et tira un chandelier. Un passage dans le mur s’ouvrit et il pénétrât dans une pièce exiguë. Owen alluma une lampe accrochée au mur.
Un autel de marbre noir trônait au centre de la pièce. Owen s’en approcha, ramassa le poignard posé dessus et s’entailla la paume de la main gauche. Le sang s’étala sur le marbre qui commença à luire d’un rougeoiement vif. Une sombre fumée s’en éleva.
Owen regarda vers le plafond et y vit un brouillard s’y former. Le nuage palpitait de vie, gonflant et s’étirant jusqu’à emplir la moitié de la pièce. Owen se recula jusqu’à toucher le mur et regarda le nuage prendre la forme d’un visage hideux.
- Que me veux-tu esclave ? dit la forme dans le nuage d’une voix caverneuse.
- Maître, vous avez commencé l’invasion du royaume beaucoup trop tôt. Je n’ai pas encore mis la main sur le Flamboyant.
- Et alors ? Crois-tu que je suis apeuré par cette misérable épée. L’heure de mon retour est proche. J’avais prévenu les Hommes que je viendrai pour eux. Mais ils sont aussi prétentieux que les Elfes et aussi entêtés que les Nains et n’ont pas écouté mes mises en garde. Ils vont payer pour cela.
- Bien Maître.
- Pour le moment, rassemble mes fidèles, eux seront épargnés lors de mon retour.
- Oui Maître, je le ferai.
- Et ne me dérange plus pour des broutilles, esclave !
La fumée se dissipa et la tension qui régnait dans la pièce disparue aussi vite qu’elle était apparue. Owen s’écroula au sol, les jambes flageollantes.
Il se releva, éteignit la lampe et sortit.

Shan, Héloïse, Delilah et Merrick étaient cachés derrière un amas de rocher, ils observaient les Haruspiciens, eux-mêmes cachés, guettant l’arrivée de leur proie.
Ils étaient dans le Val des Murmures et attendaient depuis deux jours. Les Haruspiciens s’étaient placés dans un renfoncement des falaises, invisibles aux yeux des voyageurs arrivant de l’extérieur.
Merrick et les autres étaient cachés en haut d’une corniche d’où ils observaient pleinement le campement de leurs ennemis.
Tout autour d’eux, un bruissement lancinant, semblable à des dizaines de chuchotements, leur rabâchait les oreilles et ils avaient du mal à entendre la conversation des haruspiciens.
- Ils ne sont plus très loin, dit Lylas.
Elle avait enlevé sa cape et étirait ses longues ailes blanches. Drac se tourna vers elle :
- Dans combien de temps ? Ces murmures commencent à me casser les oreilles.
- Dans moins de vingt minutes, ils entreront dans le Val des Murmures, et là, nous pourrons leur tomber dessus.
- Bien, mettez-vous en place, dit-il en s’adressant à ses hommes. Lylas, viens ici, j’ai une mission pour toi, ajouta-il en lançant un bref regard vers la cachette de Merrick et ses amies.

Kerval fit stopper son cheval. Devant lui, au bas de la colline sur laquelle ils se trouvaient, à environ deux cent cinquante mètres, le Val des Murmures commençait. Gigantesque canyon fait de profonds précipices, de rivières sauvages et de grottes infestées des pires créatures du royaume.
Red et Ours s’arrêtèrent à coté de lui et regardèrent le Val.
- C’est donc ca ? demanda Kerval.
- Oui, c’est le Val des Murmures.
- C’est super dangereux j’suis sur, demanda Marl qui s’était avancé.
- C’est dangereux oui, mais il suffit de connaître le bon chemin, et de ne pas passer par les hauteurs. Nous passerons donc par le passage que vous voyez devant, dit Ours en pointant une ouverture dans les rochers.
- Et les morts-vivants, vous avez parlé de morts-vivants, dit Crowbanner.
- Ah, les morts-vivants… Selon la légende, ce sont eux qui sont à l’origine des murmures que l’on entend dans le Val. Leurs âmes en peine seraient coincées ici et se lamenteraient. Certaines possession d’un corps de voyageur et hante les lieux. Le mieux est de courir car ils sont d’une force peu commune.
- Bon, et bien, ne perdons pas de temps, et allons-y.

Ils chevauchaient les uns derrières les autres dans l’étroit passage traversant le Val ; ils venaient à peine d’y pénétrer qu’ils voyaient déjà les premiers cadavres en train de se décomposer sur le sol. Chevaliers en armures ou simples voyageurs malchanceux, ici, tous étaient logés à la même enseigne et se retrouvaient à servir de repas pour les créatures vivant dans le Val, et ensuite à servir de tanière aux plus petites créatures qui venaient se loger qui dans le crâne, qui entre les cotes.
Marl s’arrêta près d’un squelette d’homme recouvert d’une grosse armure de plates, le malheureux avait été démembré, ses bras avaient été envoyés de l’autre coté de la route, la tête avait été broyée, Marl se demanda qui avait bien put faire ça et souhaita ne pas croiser son auteur. Il fit avancer son cheval – Ours ayant décidé de traverser le Val à pied – et il entendit un sifflement sur sa droite, il tourna la tête vers le bruit et vit la main d’Ours jaillir et attraper un énorme serpent qui se jetait sur lui. Marl sursauta :
- Ouah ! Merci Ours, ‘l’a faillit m’avoir.
- Reste sur tes gardes, petit, dit Ours en souriant. Je s’rai pas toujours à coté de toi.
Ils reprirent leur route. Kerval, comme à son habitude, chevauchait en tête, il s’arrêta à un croisement et se tourna vers Red :
- Alors, gauche ou droite ?
Red s’avança, regarda dans les deux directions, hésita, puis dit :
- À gauche, je crois reconnaître.
- Bon, et bien à gauche alors, dit Kerval peu confiant.

Ils prirent donc le nouveau chemin. Ils firent quelques pas quand une forte bourrasque de vent et de sables les frappa de plein fouet. Les chevaux paniquèrent, hennirent de peur, se cabrèrent et les cavaliers furent obligés de leur faire tourner brides et retournèrent à l’abri du croisement.
- Quel est donc ce maléfice, demanda Kerval en se tournant vers Red.
- Ce sont les esprits, ils ne veulent pas que nous passions par ici apparemment.
Crowbanner descendit de cheval et s’approcha de la fourche des chemins.
- Je vais tenter quelque chose, dit-il en levant son bâton.
Il ferma les yeux et commença à réciter une prière. Le vent, qui jusqu’alors ne sortait pas du croisement, se précipita sur lui et tourna autour de lui.
Crowbanner ne cessa pas sa prière, il était entouré d’un halo lumineux qui empêchait le vent de le toucher.
Le vent tournait furieusement autour de lui, se rassemblait pour prendre la forme d’une main et tentait de frapper l’évêque mais il était à chaque fois repousser.
- C’est un élémentaire de vent Red. J’en ai déjà vu, s’il ne veut pas nous laisser passer, nous devrons trouver un autre chemin.
- Laissons faire Crowbanner, j’ai confiance en sa magie, dit Kerval.
D’un seul coup, le vent tomba. L’élémentaire avait reculé loin derrière le croisement.
Crowbanner rouvrit les yeux, regarda autour de lui et s’avança de trois pas dans le passage. Il inspecta autour de lui, avança encore de quelques pas et se retourna vers ses amis qui l’observaient de loin.
- C’est bon, il est part…
Il ne put finir sa phrase, le vent se releva aussi vite qu’il était parti, Crowbanner fut vite entouré par les bourrasques et soulevé du sol. Il entendit un rire enfantin provenant du cœur même du vent. Des petites pierres voletaient et venaient le frapper sur tout le corps. Une pierre le frappa sur la tempe et il perdit connaissance.
Kerval s’avança pour tenter d’aller chercher l’évêque, mais il fut gifler par le vent et propulsé lourdement contre la paroi rocheuse derrière lui, sa tête frappa la pierre et il s’évanouit.
- Mais il faut l’aider, il va se faire tuer, cria Marl.
- Je vais tenter quelque chose, dit Ours. Je vais distraire l’attention de l’élémentaire et vous, vous irez chercher l’évêque.
- Que vas-tu faire, Ours ? demanda Red.
- Ne t’inquiète pas mon ami, ce n’est pas cette petite brise qui me fait peur ! Tenez-vous prêt.
Ours relâcha la bride du cheval de Marl et s’avança vers le croisement.
L’élémentaire le vit tout de suite et lança ses tentacules de vent sur Ours. Elles le frappèrent au visage, ralentissant son avancée, mais Ours tenait bon ; chaque pas était plus difficile que le précédent, mais il continuait.
L’élémentaire, voyant que son adversaire lui résistait, se concentra sur lui. Ours tenait bon, il discerna une vague forme dans le vent, ce qui le déconcentra et il fut repoussé de plusieurs mètres et tomba à terre. Ours entendit le même rire enfantin qu’avait entendu Crowbanner précédemment. Il se releva et recommença à avancer vers l’évêque. L’élémentaire entra dans une rage folle et laisse tomber Crowbanner lourdement au sol. Le vent s’intensifia et des énormes rochers se soulevèrent du sol. Ours attrapa sa hache qui portait dans son dos et si mit difficilement en position.
Les rochers lévitaient devant Ours, ils tournaient sur eux-mêmes, s’avançaient et reculaient. Ours avait de plus en plus de mal à rester debout. Il tourna la tête vers ses amis pour vérifier qu’ils étaient parés à agir, puis, il s’élança vers l’élémentaire en poussant un cri de guerre et en levant sa hache bien haut.
Le vent retomba légèrement, puis se transforma en mini-tempête, projetant les rochers sur Ours qui les faisaient voler en morceaux avec sa hache.
Ours se tourna vers et Red :
- Maintenant ! hurla t’il.
Red et Bron, le soldat, s’élancèrent vers le corps inanimé de l’évêque, la ramassèrent et retournèrent vers la sécurité du croisement, mais ils furent stoppés net par une lame de vent qui formait un véritable mur infranchissable.
L’élémentaire poussa un cri de haine et fit voler des pierres dans tous les sens.
Red confia Crowbanner à Bron, sorti sa canne et cria :
- Par la puissance de l’eau, source de vie, par la dureté des glaces éternelles, j’en appelle à ta puissance, Syl, déesse de toutes les Magies. GLACIER ! ! !
L’humidité contenue dans l’air ambiant se rassembla en fines gouttelettes, lesquelles s’assemblèrent et durcirent pour former des blocs de glaces qui retombèrent lourdement au sol. Le vent retomba et l’élémentaire fuit de nouveau, laissant les aventuriers épuisés et blessés par toutes les pierres qui les avaient frappées.
- Ca m’a paru trop facile, dit Red. Mon sort n’aurait pas du le faire fuir.
- L’essentiel, c’est que ca ait fonctionné, non ? demanda Marl, heureux de revoir ses amis en vie.
Crowbanner ouvrit les yeux et se frotta la tête en regardant autour de lui.
- Vous l’avez chassé ? demanda t’il ?
- Oui, il est reparti, confirma Ours en s’avançant vers lui, des plaies sanguinolentes lui couvrant les bras et le visage.
- Par Artherk, s’écria Crowbanner. Venez ici, je vais vous soigner.
Ours leva la main et pointa Kerval, toujours sans connaissance.
- Occupez-vous plutôt de lui, il en plus besoin que moi.
Crowbanner s’approcha de Kerval, lui posa la main sur le front et un instant plus tard, Kerval se relevait.
- Merci, Crowbanner. Où est parti l’élémentaire ?
On lui expliqua comment s’était terminé le combat et se préparèrent à repartir. Ils remontèrent en selle et avancèrent, mais ils ne firent que quelques mètres.

Kerval voit la scène au ralenti. Une grosse explosion devant lui. Le vent tourbillonne et prend forme humaine. Un enfant avec un sourire en coin. Le vent les entoure tous. Marl tombe de son cheval, Ours encore affaiblit s’écroule aussi, le cheval de Crowbanner tourne bride et part en arrière, celui de Bron tombe au sol sur son cavalier.
L’enfant de vent ricane, son corps paraît trouble. Il lève les mains et les joints au-dessus de sa tête. Le vent se concentre dans les mains de l’enfant et il envoie la « boule de vent » sur Red qui se retrouve à son tour projeté au loin..
Kerval est seul contre l’élémentaire de vent.
Tout se passe toujours au ralenti pour lui. Il ne sait pas pourquoi, mais il sait où frapper pour tuer l’élémentaire.
Il descend de cheval, prend sa dague et la pointe vers l’enfant.
L’enfant le voit et ricane de plus belle. Il lance des bourrasques sur Kerval, mais ce dernier ne fléchit pas.
Il lève la main, s’apprête à lancer la dague, et au dernier moment, il pivote d’un quart de tour sur sa gauche, et envoie la dague dans une petite bulle grise qui flottait à coté de l’enfant.
La dague se plante dans la bulle qui éclate en morceaux.
L’enfant se prend la gorge dans les mains. Il semble étouffer. Le vent tombe.
L’enfant s’écroule en se tordant de douleur. Son corps semble fondre. Il disparaît.
Silence. Ne restent plus que les murmures dont le Val tire son nom.
Kerval se tourne vers ses amis.
Ils se sont tous relevés, ils lui disent quelque chose mais il n’entend rien.
Kerval s’approche d’eux, Ours le prend dans ses bras et le soulève et c’est là que Kerval revient dans le monde normal.

- Bravo ! Bien joué, ami Kerval, lui hurle Ours dans les oreilles.
- Oui, félicitations Kerval, lui dit Crowbanner. Mais comment avez-vous deviné où il fallait lancer votre dague ?
Ours repose Kerval au sol, ce dernier regarde ses amis, hébétés.
- Je.. je ne sais pas, je le savais, je l’ai vu.
- En tout cas, vous aviez l’air bizarre, vous aviez les yeux vitreux, ca m’a fait peur, lui dit Marl.
- Et bien, je…
- Oui, l’enfant a raison, vos yeux sont redevenus normaux dès qu’Ours vous a touché. Je pense que vous avez subit une sorte de possession divine, lui dit Crowbanner.
- Si vous le dites, répondit Kerval peu convaincu. Enfin, la voie est libre maintenant, non ? Alors en avant, il nous reste encore du chemin à faire.

Les Haruspiciens étaient prêts, leurs proies arrivaient. Drac se releva, fit quelques pas et s’adressa à ses hommes :
- Tout le monde sait ce qu’il a à faire ?
Ils acquiescèrent et prirent position.
- Aekol, vas-y, dit Drac en s’adressant à un homme qui se tenait à l’écart. Les autres, attendez mon signal.
Le dénommé Aekol, un homme grand, massif, aux yeux noirs et au regard haineux s’avança au milieu du chemin, légèrement éloigné de la cachette de ses comparses. Il abaissa sa capuche sur ses épaules, rejeta sa cape en arrière et dégaine un cimeterre de métal sombre.
Il se campa sur ses pieds et attendit.
Dans le ciel, des nuages noirs s’amoncelaient, prémices d’un orage sur le point d’éclater.

Merrick, Shan, Héloïse et Delilah les observaient toujours du haut de leur perchoir. Eux aussi avaient vu Kerval et sa troupe s’approcher. Ils se tenaient prêt à intervenir.
Delilah recula de quelques pas pour se dégourdir les jambes, elle sentit une présence, quelqu’un en train de l’observer, elle se retourna et tomba nez à nez avec Lylas.
- Bonjour mes petits rats, dit-elle.
Un éclair zébra le ciel et le tonnerre éclata.

Nos héros chevauchaient tranquillement, inconscient du danger qui les guettait.
Ils n’avaient rencontré aucun problème particulier depuis leur combat contre l’élémentaire de vent.
Il n’y avait que les murmures incessants qui résonnaient dans le Val. Ces chuchotements les mettaient sur les nerfs. Au détour d’un chemin, ils avaient croisé un squelette qui s’était attaqué à eux, mais ils s’en débarrassèrent facilement.
Kerval fit ralentir sa monture, il apercevait quelqu’un au milieu du chemin. Il stoppa le cheval pour mieux observer l’homme.
- Que se passe t’il ? demanda Crowbanner en le rejoignant.
- Il y a quelqu’un là-bas, ca ne me dit rien qui vaille.
Au-dessus d’eux, le tonnerre éclata, et de fines gouttes de pluie commencèrent à tomber.
- Avançons doucement, et restez sur vos gardes.
Ils s’approchèrent de l’homme, les nuages noirs de l’orage avaient fait tomber un voile d’obscurité sur le Val, ils n’étaient qu’à quelques pas de l’homme quand un éclair s’abattit sur un arbre calciné non loin d’eux et illumina le chemin révélant de nombreux squelettes jonchant le sol.
L’homme les attendait, un rictus mauvais sur le visage, le regard fou. Il leva son cimeterre dans leur direction. Le tonnerre éclata de nouveau.
- Qui es-tu et que nous veux-tu ? demanda Kerval en faisant signe aux autres de s’arrêter.
- Je suis Aekol, Maître Sanglant de l’Haruspice, et je suis là pour vous purifier.
- Et tu crois peut-être que tu nous fais peur, tu es seul contre nous, lui répondit Ours.
- Mais qui vous a dit qu’il était seul ? dit une voix derrière eux.
Les Haruspiciens étaient sortis de leur cachette et les entouraient. Drac était aux cotés d’un homme en longue robe grise, tenant un bâton de noyer dans la main droite.
- Xadius, réveille les morts, lui dit Drac.
L’homme prit son bâton dans les mains, et murmura des mots que lui seul comprenait.
Les squelettes commencèrent à bouger, les os éparpillés se rapprochèrent de leur corps d’origine et les morts se relevèrent, ramassant leurs armes au passage.
Un éclair zébra le ciel une nouvelle fois, le tonnerre gronda dans le ciel et l’orage éclata.

Shan s’était relevée dès qu’elle avait entendu la voix inconnue derrière elle, elle avait pris sa hache en main, tout de suite suivie par Héloïse qui banda son arc et pointa une flèche vers l’Haruspicienne.
Delilah avait fait un pas en arrière et dégainée sa rapière. Merrick s’était retourné lui aussi et observait la femme en face de lui.
Elle avait un visage d’ange, de longs cheveux noirs comme l’ébène qui lui retombait en cascade entre sa paire d’ailes blanches. Elle leur sourit.
- Alors on nous espionne ? Si vous souhaitiez nous parler, il ne fallait pas faire les timides et descendre nous voir.
- Que nous veux-tu ? lui demanda Merrick en serrant les dents, furieux de s’être laissé surprendre.
- Et bien, Drac m’a demandé de m’occuper de vous, alors je vais le faire, bien évidemment.
Shan fit un pas vers elle en levant sa hache, mais elle glissa sur les rochers mouillés par la pluie et se rattrapa de justesse à l’épaule d’Héloïse.
Lylas écarta les bras et éclata d’un rire strident. Un aura se forma autour de ses mains.

La pluie coulait à flot, imbibant la terre et la rendant glissante. L’eau s’écoulait en ruisselets entre les rochers, formant des petites mares ça et là. La visibilité des combattants était réduite à cause des trombes d’eau qui tombaient du ciel, leurs mouvements se faisaient moins vifs, moins précis.
Ours se battait comme l’animal dont il portait le nom, donnant des coups de hache partout autour de lui, faisant éclater en mille morceaux les squelettes qui s’approchaient trop de lui ou de Marl, mais, à peine les squelettes s’écroulaient-ils au sol qu’ils se reformaient et repartaient au combat.
Kerval, de son coté, avait entamé le combat avec le Maître Sanglant, Aekol.
Kerval essuya l’eau qui lui coulait dans les yeux, dégaina sa hallebarde et s’élança contre Aekol, ce dernier se mit aussitôt en garde, prêt à recevoir de plein fouet l’attaque du Maître d’Arme.
Kerval fit un pas de coté, se fendit et tenta de placer un coup dans le flanc d’Aekol qui para le coup facilement, et tenta à son tour un coup d’estoc que Kerval esquiva.
Kerval recula d’un pas et observa son adversaire. Son expression n’avait toujours pas changé, il avait toujours le même sourire suffisant aux lèvres, comme s’il était sur de gagner. Cette attitude énervait passablement Kerval. Il se remit en position et s’élança de nouveau sur Aekol.
Le bruit de l’orage n’arrivait pas à couvrir celui du choc de leurs armes.

Lylas fit décrire un arc de cercle à ses bras et les rejoignit au-dessus de sa tête en les croisant. Son sourire n’avait pas quitté ses lèvres. L’énergie continuait de s’accumuler entre ses mains, l’énergie vibrait, pulsait au-dessus de sa tête.
Delilah hésita une seule seconde puis elle s’avança en pointa sa rapière vers le ventre de Lylas. La sorcière rabaissa ses mains à ce moment là et les posa sur la tête de Delilah.
Le corps de la princesse fut immédiatement parcouru d’éclair, Delilah hurla et s’écroula au sol, sans vie.
Une forte odeur de peau brûlée monta au nez des combattants. Shan fit mine de s’avancer, mais Merrick la retint.
- Laisse-la-moi, c’est un combat de mage, va plutôt t’occuper de la princesse.
Merrick fit signe à Lylas de le suivre et ils s’écartèrent de quelques pas, Lylas s’adressa aux deux femmes :
- Profitez bien des derniers instants qu’il vous reste, je vais m’occuper du petit vieux et votre tour viendra !
Elle se tourna vers Merrick et lança une série de boules de feu sur le magicien. Merrick tendit la main droite devant lui, paume levée et les boules de feu virent éclater sur un mur invisible.
- Bon sang, elle doit être d’une grande puissance, elle n’incante pas avant de lancer ses sorts, se dit Merrick.
- Tu trembles, petit magicien ? demanda Lylas en gloussant. Mais ne fais pas dans ta culotte, tu n’as pas encore vu tout ce dont je suis capable.
- Tais-toi, sorcière, et viens te battre !

Les explosions fusaient de partout autour de Red, le combat qu’il menait contre Drac l’épuisait alors que son adversaire semblait encore au mieux de sa forme. Il enchaînait les sorts sans en ressentir aucune fatigue ni contre-coup mental, ce qui allait contre toute la logique qu’on lui avait enseignée, car tout sort jeté provoquait immanquablement un contre-coup pour le lanceur, l’obligeant à attendre quelques secondes pour lancer une nouvelle incantation.
Red se risqua à jeter un coup d’œil vers ses compagnons, il entr’aperçut Ours, il avait l’air de s’en sortir, avec l’aide du soldat Bron, contre les assauts des squelettes. Kerval, quant à lui, était plutôt mal en point.
Le Maître d’Arme avait du mal à contenir les attaques du Maître Sanglant. Kerval ne s’était pas totalement remis des blessures infligées lors du combat contre l’élémentaire de vent, il perdait beaucoup de sang.
Red revint à son combat, ce petit tour d’horizon ne lui avait pris qu’une seconde, et il évita de justesse un dard de glace que Drac lui avait envoyé, il perdit un pan de sa cape dans le mouvement.
Red perdit l’équilibre et se retrouve un genou à terre, ce qui, fort heureusement pour lui, lui fit éviter une boule de feu que Drac avait enchaîné après le dard de glace. Red roula de coté, pointa son bâton en direction de Drac et envoya une multitude de boules de feu sur son adversaire, en espérant que quelques-unes unes parviendraient à le toucher.
Drac, en voyant ces projectiles arriver sur lui, sourit et baissa les bras. Les boules de feux arrivèrent sur lui, et furent déviées sur les rochers et explosèrent, faisant voler des morceaux de pierres dans toutes les directions.
- Ce n’est pas possible, il ne me laisse pas le temps d’incanter de sorts plus puissants, pesta Red intérieurement.
Un cri de victoire retenti derrière lui, Bron avait réussi à planter son épée dans le cœur de Xadius, mettant fin au sort de contrôle des morts de ce dernier. Ours faisait tourner sa hache, envoyant valdinguer les squelettes.
- Ours ! cria Red. Viens ici, j’ai besoin d’aide, occupe-le le temps que je puisse préparer un sort.
- Bien Red, t’en fais pas, je m’occupe de ce corbeau.
Ours vint se placer devant Red, planta sa hache dans le sol et regarda Drac dans les yeux. Drac souriait toujours.
Ours s’élança en hurlant, sa hache raclant le sol et faisant voler des éclats de pierres, il la souleva et assena un coup à Drac.
Un éclair zébra le ciel au même instant, éclairant le passage du Val où le combat avait lieu. Ce que Red aperçu derrière Drac lui fit perdre tout espoir. Marl, qui se tenait à l’écart du combat, vit le regard de Red, se tourna dans la direction que regardait le magicien, un nouvel éclair lui fit voir ce qu’avait vu le magicien. Marl relâcha les brides de son cheval de surprise. Il voulut pousser un cri, mais sa gorge resta nouée.
- Nous sommes perdus, pensa Red.

Erland se promenait dans les forêts près de SilverSky. En fait, il chassait des antilopes. Il venait d’en voir une, il s’accroupit derrière un bosquet et observa l’animal.
L’antilope broutait paisiblement au milieu d’une clairière. Soudain, elle releva la tête, scruta autour d’elle, renifla et disparu avant qu’Erland ne puisse l’abattre avec sa lance.
Erland maugréa en lui-même contre son manque de réflexe.
Il se releva et chercha ce qui avait bien pu effrayer l’animal. Erland avait entendu à l’auberge des histoires à propos de monstres hideux, qui attaquaient les villages alentours, et lui, Erland, ne souhaitait pas croiser le chemin d’une de ces créatures.
Rien, il n’y avait rien qui aurait put faire peur à l’antilope, alors, qu’avait-elle sentie ? Ca ne pouvait pas être lui, il avait fait bien attention à ne pas se mettre dans le sens du vent, il chassait depuis des années maintenant et il connaissait tous les trucs pour ne pas se faire repérer par ses proies. Une fois, il s’était même enduit d’excréments pour masquer son odeur et s’approcher des animaux qu’il chassait.
Erland fit quelques pas dans la clairière et il s’arrêta net. L’atmosphère dans la clairière était lourde. Erland avait peur, il avait froid et pourtant il n’y avait rien dans la clairière et le soleil brillait, malgré quelques nuages, le temps était toujours plus clément ici, sur Raven’s Dust.
Erland ressorti de la clairière et cette sensation de mal-être disparue quand son pied cessa de toucher le sol de la clairière.
Erland fit demi-tour, il voulait savoir. Il pénétra de nouveau dans la clairière et avança jusqu’au milieu bravant les différentes sensations qu’il ressentait.
Quelque chose attira son regard sur le sol. Il s’accroupit et regarda un monticule de terre. En son centre, il y avait un orifice par lequel de la fumée s’échappait. Erland était sur qu’il n’y était pas l’instant d’avant.
Il se pencha plus avant pour sentir l’odeur et il s’écarta tout de suite, l’odeur de la fumée était abominable. Il n’avait jamais rien senti d’aussi mauvais.
Erland fit un pas en arrière et fut assailli de nouveau par l’odeur, il fit demi-tour et vit un nouveau monticule de terre avec un jet de fumée en son centre. Erland tourna la tête de droite et de gauche, partout dans la clairière, les mêmes monticules avec cette fumée immonde s’en échappant.
Erland toussa, il avait trop respiré de cette fumée nauséabonde, il s’avança vers le couvert des arbres, mais la fumée était trop épaisse, il ne voyait plus les arbres. Il trébucha sur une racine et s’écroula le nez en plein sur un jet de fumée. Il se retourna sur le dos, se prit la gorge dans les mains, se boucha le nez, mais il était trop tard.
Sa vue se troubla, il avait du mal à respirer, il ne sentait plus l’odeur de la fumée, il n’entendait plus le bruit qu’elle faisait en s’échappant de la terre.
Dans un ultime effort il releva la tête en tendant un bras, comme pour appeler de l’aide. Il écarquilla les yeux autant qu’il put, il se dit qu’il devait avoir une hallucination. Il voyait une silhouette dans la fumée. En fait, elle semblait se former à partir de la fumée.
Erland ne voulait pas mourir, il voulait voir qui était cette créature, il tenta de bouger, mais ses nerfs ne l’écoutait plus, il resta coincé dans cette position, le dos arqué, un bras tendu vers le ciel, le regard tourné vers la créature.
Erland pleurait, et puis la créature bougea, elle s’approcha de lui. Erland allait la voir.
La créature était tout proche de lui, elle s’accroupit et son visage sortit de la fumée.
Erland aurait voulu pouvoir fermer les yeux car la vision qu’il eut était pire que le plus pire de ses cauchemars.
Erland aurait voulu pourvoir crier pour exprimer sa terreur à la vue de la créature, mais aucun son ne sorti de sa gorge nouée.
La créature sourit, Erland venait de rendre son dernier soupir.
La créature sortie de la clairière, accompagnée par la brume dont elle était issue et que le vent n’arrivait pas à disperser, et se dirigea vers SilverSky.

Merrick fut projeté violemment contre les rochers. Lylas avait encore évité son sort. Rien n’y faisait, il avait beau tout essayé, l’Haruspicienne rejetait toutes ses attaques.
Merrick regarda autour de lui, Shan et Héloïse avaient emmené Delilah à l’écart. Il se retrouvait seul contre Lylas.
Merrick décida de tenter le tout pour le tout. Il se releva en s’aidant de son bâton. Lylas ne bougeait pas, elle se contentait de le fixer, toujours avec ce même sourire supérieur aux lèvres.
- Bien, tu es très forte, je dois l’avouer, mais ce coup-ci, tu vas y passer, dit Merrick en prenant son bâton à deux mains.
Lylas ne réagit pas, elle se contentait de le regarder.
Merrick ferma les yeux à moitié, commença à réciter l’incantation que son maître lui avait interdit d’utiliser. Son corps fut parcouru d’éclairs, le bout de son bâton grésilla, l’air autour de lui commença à se réchauffer.
Il rouvrit les yeux, remerciant les dieux que Lylas ne l’aie pas interrompue. Son incantation était prête.
- Prépare-toi, sorcière, tu vas subir l’Arcane Suprême de Syl.
Merrick frappa le sol de son bâton. Le bout de bois se planta dans la pierre, le sol fut parcouru de vibrations, un éclair vint frapper le bâton qui s’illumina.
Lylas fit un pas en arrière, Merrick sourit en la voyant perdre son aplomb. Il reprit le bâton et le pointa vers Lylas.
- Que la Colère de Syl s’abatte sur toi !
L’air autour de Lylas se mit à bouillonner, des centaines de bulles d’énergie pure se rassemblaient autour d’elle. Lylas essaya de bouger mais une force invisible l’en empêchait. Les bulles d’énergie tourbillonnaient autour d’elle, puis elles stoppèrent.
Merrick regarda Lylas en souriant. Il leva sa main droite, les doigts écartés.
- Tu as perdu ton sourire, l’Haruspicienne. C’est dommage, tu étais un bon adversaire.
Merrick referma son poing et les bulles d’énergie s’abattirent sur Lylas. La femme hurla mais ses cris furent bientôt noyés par le bruit des explosions des bulles d’énergie sur son corps.
La pluie battante dispersa la fumée rapidement. Il ne restait rien de Lylas.
Merrick souffla et parti rejoindre ses amies. Il aperçut Shan, agenouillé auprès de Delilah, derrière un rocher.
- Comment va-t’e…
Merrick n’avait pas fini sa phrase qu’il vit Héloïse bondir, encocher une flèche et tirer. La flèche lui frôla l’oreille et Merrick entendit un gargouillis derrière lui.
Il se retourna et vit Lylas, en sang, la flèche plantée en travers de la gorge. L’Haruspicienne pris la flèche dans ses mains et l’arracha. Le sang jaillit de sa gorge comme une fontaine. Lylas leur lança un dernier regard plein de haine avant de s’écrouler au sol. Le sang continuait de couler de la plaie, mais il était immédiatement emporté par la pluie.
- Je…merci Héloïse, dit Merrick entre deux souffles.
- De rien, vieux grincheux, et oui, la princesse va bien, elle est juste sonnée.
- Ouf, j’avais cru que…
- Tout va bien on te dit, coupa Shan.
- Bien, je vais voir comment les autres s’en sortent.
Merrick fit quelques pas pour voir ce qui se passait en contrebas, Kerval venait d’asséner un coup dans l’estomac d’Aekol. Merrick continua son tour d’horizon et il aperçut un petit magicien qui, semblait-il, se battait contre Drac. Mais le magicien fixait un point derrière son adversaire, tout comme un jeune garçon qui se tenait à l’écart.
Merrick scruta dans la même direction qu’eux, Drac aperçut le petit manège qui se passait autour de lui et tourna lui aussi le regard derrière lui.
Le tonnerre gronda de nouveau, un nouvel éclair zébra le ciel et il vit, tout comme Merrick, tout comme Red et Marl avant lui.
Derrière eux, des dizaines de colonnes d’eau s’avançaient vers eux. Les colonnes semblaient rentrer et sortir de la terre au fur et à mesure de leur avancée.
Arrivée à quelques mètres des combattants, elles stoppèrent. L’eau tourbillonnait à l’intérieur des colonnes.
- Des élémentaires d’eau, murmura Merrick comme pour confirmer ce que ses yeux voyaient.
Les colonnes d’eau se rassemblèrent en une seule immense étendue d’eau recouvrant le passage entre les rochers. C’était comme s’ils se trouvaient tous devant une rivière qui aurait été coupé en deux et qui ne se serait pas reformée.
Des formes humanoïdes sortirent de l’eau et s’avancèrent vers les combattants.

Tout le monde s’était retourné vers la masse d’eau et les combattants aquatiques qui en sortaient.
Drac pris son envol et ordonna à ses hommes de le suivre et d’emporter les corps de Xadius et Lylas. Drac préférait laisser ses ennemis aux mains des Élémentaires d’eau plutôt que se salir les mains, au pire, il viendrait après le combat pour achever les survivants. Aekol s’éloigna de Kerval sans que celui-ci ne s’en aperçoive, trop fasciné par le spectacle qu’il avait sous les yeux.
Merrick, Shan, Héloïse et Delilah – qui venait de reprendre ses esprits - descendirent de leur promontoire pour rejoindre leurs compagnons et les aider dans ce nouveau combat.
Kerval et Crowbanner lancèrent un regard étonné à Delilah en la voyant ici
- Princesse, que faites-vous ici ? demanda Crowbanner.
- Vous croyez vraiment que c’est le moment pour les questions, lui répondit-elle. Nous avons un léger problèmes ici, vous ne croyez pas ?
Les combattants aquatiques s’avançaient vers eux et les entouraient. Les héros ne bougeaient pas, ils les observaient.
- Mais qu’est-ce qu’ils font ? demanda Shan.
- Je ne sais pas, mais en tout cas, ils n’ont pas l’air de vouloir nous attaquer, répondit Ours.
Le tonnerre gronda une nouvelle fois dans le ciel et la pluie cessa.
Comme si c’était le signal qu’ils attendaient, les Aquatiques s’élancèrent au combat, armes levées, prêts à donner la mort. Leurs armes étaient, tout comme leur corps, composées d’eau, mais cela ne les empêchaient pas d’être mortelle. Shan et Ours levèrent leur hache et frappèrent de toute leur force, tranchant les Aquatiques comme du beurre. L’eau composant les Aquatiques tomba au sol sans l’imprégner.
Le combat faisait rage, chacun y allait de sa technique, Red et Merrick gelait les Aquatiques qui explosaient, ou bien ils leur envoyaient des sorts de feu pour les faire s’évaporer, Kerval y allait de sa hallebarde et les flèches d’Héloïse volaient dans toutes les directions.
À chaque fois qu’un Aquatique mourait, l’eau de son corps s’étalait au sol et s’ajoutait à celle des autres Aquatiques tombés. Personne n’avait remarqué que le niveau de l’eau montait et arrivait maintenant jusqu’aux mollets des combattants.
Crowbanner observait la scène, un peu éloigné quand un détail le frappa, Marl avait disparu.
- Quelqu’un sait où est passé Marl, je ne le vois plus ? cria t’il à ses compagnons.
En posant sa question, Crowbanner remarqua le niveau de l’eau, qui montait jusqu’au niveau de ses genoux maintenant.
Il s’avança vers ses compagnons pour les prévenir, car aucun d’entre eux ne semblait s’en rendre compte, mais il ne fit que quelques pas et s’arrêta. D’un seul coup, les Aquatiques cessèrent de combattre et se laissèrent tuer, ajoutant encore et encore leur eau à celle de leurs frères.
Quand il ne resta plus aucun Aquatique debout, les héros remarquèrent le niveau de l’eau qui leur montait jusqu’à mi-cuisse..
Le Val retentit d’un vrombissement assourdissant et l’eau autour d’eau commença à onduler. Ils avaient du mal à tenir sur leurs pieds. Des vaguelettes se formaient à la surface de l’eau et l’instant d’après, ils étaient engloutis sous une imposante masse d’eau. Ils essayèrent tant bien que mal de nager pour sortir de cette masse d’eau, mais ils étaient bloqués, comme si l’eau était enfermée dans une boite transparente.
Ils étaient coincés.

Marl avait enfin réussi à calmer son cheval. La pauvre bête avait pris peur en voyant les Aquatiques et s’était éloigné.
Marl vit volter le cheval et retourna sur ses pas.
Le spectacle qu’il avait sous les yeux le pétrifia d’effroi.
Une énorme masse liquide occupait le chemin entre les rochers, elle se convulsait, gonflait et se ratatinait sur elle-même. Mais ce n’était pas ca le plus terrible, Marl aperçu ses amis à l’intérieur.
Il regarda autour de lui mais ne trouva personne pour l’aider.
Il descendit de cheval et s’approcha de la masse d’eau, il voyait Ours, juste en face de lui, il semblait appeler à l’aide.
Marl était désespéré. Qu’est-ce qu’il pouvait faire, lui, un enfant ? Il ramassa des pierres et les lança sur l’eau, pensant naïvement pouvoir faire éclater cette prison aquatique, mais les pierres n’avaient aucun effet, elles rebondissaient sur la surface de l’eau et retombaient au sol.
Marl s’approcha de l’eau et posa sa main dessus, elle fut aussitôt attirée à l’intérieur. Marl recula précipitamment et tomba à genoux. Il tapa des poings sur le sol, il pleurait, il se maudissait de n’être qu’un enfant incapable, incapable d’aider ses amis alors qu’ils avaient toujours été là quand il en avait besoin. Il tapa encore du poing et releva la tête.
Dans la masse d’eau, il remarqua que déjà, des corps ne se débattaient plus. Il y avait Kerval, et là, sur la droite, n’était-ce pas Bron, le soldat ? Et juste en dessous, une femme qu’il ne connaissait pas, mais elle était très belle.
Ours était juste devant lui, dans l’eau, le regard suppliant, son corps convulsa, puis plus rien.
Marl hurla de désespoir, son cri était semblable à un rugissement. Le vent se mit à tourbillonner autour de lui, et s’arrêta net. Marl se releva, le corps entouré d’énergie, les yeux vitreux, avec une étrange marque sur le front.
Il s’avança vers l’eau. Il tendit la main et toucha le liquide qui s’évapora.
La masse d’eau sembla couiner de douleur et se recula. Elle lança des tentacules d’eau contre Marl, mais elles s’évaporèrent à son contact.
Marl continuait d’avancer, il pénétra dans la masse d’eau. Arrivé au centre, il écarta les bras d’un geste brusque, l’eau s’éparpilla contre les rochers, et ses amis retombèrent lourdement sur le sol.
Marl, le corps toujours entouré d’énergie, le regard toujours vide, s’approcha d’Ours, s’accroupis et lui toucha le front. Ours cracha de l’eau et recommença à respirer. Marl se releva et répéta l’opération sur tous ses amis.
Une fois que tous furent sauvés, Marl se remit debout et resta là, sans bouger, raide comme un piquet.

Crowbanner fut le premier à rouvrir les yeux, il regarda autour de lui en toussant, Kerval se relevait difficilement, Ours aidait Red à se remettre debout.
Crowbanner se leva à son tour et il aperçut Marl. Le jeune garçon était au milieu du chemin, il ne bougeait pas.
Crowbanner remarqua la marque sur son front et en resta bouche bée.
- Qu’avez-vous, Crowbanner ? demanda Kerval en s’approchant de lui.
- C’est Marl, c’est lui qui nous a tous sauvés.
- Impossible, ce n’est qu’un enfant !
- Regardez-le bien, et dites-moi si vous voyez la même chose.
Kerval examina Marl, le garçon était entouré d’un aura d’énergie, il avait une marque brillante sur le front, une marque en forme de triangle pointé vers le bas, deux autres triangles, plus petits, étaient à l’intérieur du premier.
- Qu’est-ce que c’est que cette marque qu’il a sur le front ? demanda Kerval.
- C’est la marque du Dragon, répondit Crowbanner, n'osant en croire ses yeux.

Ils étaient tous autour de Marl. Le jeune garçon n’avait pas bougé, il restait immobile, le corps entouré d’un halo d’énergie. La marque sur son front continuait de briller, elle pulsait au rythme des battements de son cœur.
- La marque du Dragon ? Mais qu’est-ce que c’est ? demanda Shan.
- C’est une marque portaient sur eux les Hommes-Dragon, mais ce n’est pas possible, cette race est censée avoir disparu il y des centaines d’années.
- Si cette race a disparu, comment expliquez-vous ca ? demanda Delilah.
- Je ne l’explique pas, mais je crois ce que je vois, et je puis vous l’affirmer, notre jeune ami est un descendant des Hommes-Dragon.
- Et qu’avaient-ils de spécial, ces Hommes-Dragon ? demanda Kerval.
- Et bien, ils possédaient en eux la Force du Dragon, elle était représenté par cette marque quand ils atteignaient le maximum de leur puissance. Ils avaient une force fabuleuse et une rapidité stupéfiante, mais bien sur, je ne sais pas tout sur eux…
Il y eut une petite détonation, semblable au bruit que fait un bocal quand on l’ouvre, et l’aura entourant Marl disparu, la marque sur son front s’effaça doucement et l’enfant tomba au sol.
Ours le rattrapa et le porta dans ses bras. Crowbanner s’approcha et sorti une petite fiole en verre bleu, enleva le bouchon et la passa sous le nez de Marl.
L’enfant remua les narines, plissa ses paupières et ouvrit doucement les yeux.
Il regarda autour de lui, faisant le tour des visages, se demandant pourquoi tout le monde le fixait avec un regard mi-admiratif et mi-apeuré.
Ours le reposa doucement sur ses pieds et s’éloigna.
- Pourquoi vous me regardez tous comme ça ? demanda Marl.
- Tu ne te rappelles de rien ? demanda Crowbanner.
- Me rappeler quoi ? Et puis vous êtes sortis comment de la bulle d’eau ? Tout ce que j’me rappelle, c’est que vous étiez tous coincé dedans et je vous ai tous vu…mourir, dit-il, la voix pleine de sanglots.
Crowbanner posa sa main sur l’épaule de l’enfant et lui lança un grand sourire :
- Marl, nous devons parler.
L’évêque lui raconta ce qui c’était passé, ce qu’ils avaient vu, il lui parla de la marque du Dragon et des Hommes-Dragon. À la fin du récit, Marl resta sans voix, il ressassait dans sa tête tout ce qu’il venait d’apprendre, n’osant y croire, lui qui avait toujours cru n’être qu’un enfant parmi tant d’autre, il était un descendant des Hommes-Dragon ! La joie se peignit sur son visage, puis il s’assombrit, une pensée venait de lui traverser l’esprit, il se hâta de questionner l’évêque.
- Mais, je sais pas m’en servir de ces pouvoirs, je vais faire comment ?
- Chaque chose en son temps, je pense que le choc que tu as subit en nous voyant tous en train de mourir a réveillé tes pouvoirs. Je suis sur que nous trouverons un moyen pour les contrôler et mieux les comprendre, répondit Crowbanner d’un ton rassurant.
- Voilà donc une chose de réglée, dit Kerval en se tournant vers Delilah. Et si vous nous expliquiez ce que vous venez faire ici, et qui sont vos amis, princesse.
Delilah s’avance d’un pas et présenta ses compagnons de voyage.
- Je vous présente Shan, vaillante guerrière, à ses cotés Héloïse, archère intrépide dont les flèches font toujours mouche, et enfin Merrick, puissant mage de Syl. Ils m’ont aidé à vous rejoindre et m’ont protégé pendant notre périple.
- Je croyais que nous étions d’accord, princesse, vous deviez rester auprès de votre père jusqu’à notre retour, gronda Crowbanner.
Delilah s’empourpra et répondit en criant :
- Et vous croyiez que j’ai eu le choix ? C’est pour vous sauver la vie que je suis venue, figurez-vous ! J’ai surpris Owen en train de comploter avec Dayo pour vous empêchez de trouvez l’épée. Ca ne vous a pas étonné que les Haruspiciens vous trouve comme ca ? J’ai donc pris le premier navire pour Arakas et je suis partie à votre recherche, mais en chemin je me suis fait attaquer par des Corsaires d’Angélus et je ne dois ma vie et ma vertu que grâce à l’intervention de ces trois courageux aventuriers. Alors, maintenant, cessez de me réprimander ! dit-elle au bord de l’hystérie.
- Du calme Délilah, dit Crowbanner en la prenant dans ses bras. Je suis désolé pour tout ce que vous avez subit, soyez en sûre. Je me suis toujours méfié d’Owen, mais je n’aurai jamais pensé qu’il puisse aller jusque là. Et soyez sûre aussi que nous sommes heureux de vous voir avec nous, ici et maintenant, quand nous touchons au but.
- Toucher au but ? Vous voulez dire que vous êtes en possession de l’épée ?
- Non, hélas non. Mais nous approchons des Montagnes Noires et de la Grotte des Enfers.
- Vous êtes sur ? demanda Kerval.
- Oui, il a raison, affirma Red. Les Montagnes Noires commencent juste après le Val des Murmures, et si mes souvenirs sont exacts, nous allons bientôt en voir le bout.
- Ouais, bah la dernière fois que t’as fait appel à tes souvenirs, on s’est paumé dans la Forêt Perdue, M’sieur Red, répliqua Marl avec un sourire malicieux.
Ils éclatèrent tous de rire et se remirent en route, Delilah et Marl chevauchant le seul cheval restant, les autres s’étant enfuis.
Environ une heure après, ils sortaient du corridor de pierre du Val des Murmures, ils retrouvèrent les chevaux enfuis, ils étaient tranquillement en train de brouter les quelques brins d’herbes qui poussaient sur le sol rocailleux. Devant eux s’étendaient, majestueuses, les Montagnes Noires, la fin de leur long et dangereux périple.
Les Montagnes Noires portaient bien leur nom. Cette chaîne de monts volcaniques ressemblait à des dents hérissées, sortant du sol ; les flancs des montagnes étaient recouverts par d’innombrables couches de cendres volcaniques venant des quelques volcans encore en activité dans le secteur et donnant sa couleur noire et son nom aux montagnes. Le soleil couchant donnait un aspect encore plus glauque aux montagnes.
C’est dans ces montagnes que Jarko le Nécromancien se terrait, avec ses hordes de guerriers morts-vivants.
- Et voilà, nous y sommes, la Grotte des Enfers se trouve devant nous, c’est la plus haute montagne, juste en face de nous, les informa Red.
Marl descendit de cheval et admira le paysage qui s’offrait à ses yeux. Il s’arrêta sur le pic mentionné par Red. Il ressentit une sensation bizarre, puis une vive douleur lui vrilla la tête, il tomba à genoux, les mains sur les tempes.
Il avait une nouvelle vision.

La nuit tombait sur l’île de Raven’s Dust.
La créature des brumes approchait de SilverSky. Sur son chemin, elle avait réveillé une armée de monstres plus repoussants les uns que les autres. On y voyait des Orques, des Trolls de toutes sortes, des lézards géants affublés de mâchoires capables de broyer l’armure la plus solide, il y avait même des dragons-squelettes, dragon morts depuis longtemps et réanimés par de sombres pouvoirs. Jamais personne n’avait croisé une armée plus terrifiante.
Tous les animaux qui respiraient la brume qui entourait cette étrange armée mourait dans l’instant.
Au loin, les murailles de la cité royale apparaissaient. Ils étaient arrivés.
La créature s’arrêta au pied des murailles, aussitôt imitée par ses suivants. Elle inspira longuement et écarta les bras. La brume s’étala sur le sol et pénétra dans SilverSky, se répandant insidieusement partout dans la ville.
Cette brume n’était pas létale pour ceux qui la respirait, elle n’avait pour but que de gêner la vision des habitants.
La créature donna des ordres à son armée, les monstres reculèrent de plusieurs mètres et disparurent dans la brume. La créature avança et pénétra dans SilverSky prête à Son jugement.