Le voyage commence

 

L’évêque Crowbanner et la Princesse Delilah attendaient que le Grand Chambellan arrive. Crowbanner l’avait envoyé chercher mais Owen n’arrivait toujours pas.
- Ne pouvez-vous pas me le dire maintenant ? Vous lui redirez quand il sera là ? demanda la princesse à l’évêque.
- Allons Princesse, que sont cinq minutes ?
- Ces cinq minutes pourraient bien manquer à mon père le moment venu !
- Excusez-moi pour le retard, dit Owen en entrant dans la salle du trône essoufflé. J’ai été retenu par des importuns. Que vouliez-vous donc nous dire Crowbanner ?
Owen épousseta sa tunique et s’approcha de la princesse.
- Après notre dernière entrevue, je suis retourné consulter mes livres et j’ai retrouvé des informations importantes dans les carnets du Roi Marten, dit Crowbanner.
- Et bien ? Qu’avez-vous découvert ? lui demanda Delilah. Ne nous faites pas languir !
- Dans ces carnets, le Roi Marten relate ses voyages et on y apprend où il aurait caché l’épée sacrée. Au plus profond de la Grotte des Enfers, dans les Montagnes Noires sur Arakas.
- Dans les Montagnes Noires ? s’écria Owen, mais c’est en plein dans les terres de Jarko le Nécromancien et de ses créatures mortes - vivantes !
- Je le sais bien, mais nous devrons nous y rendre, nous ne pouvons pas laisser passer cette chance de retrouver l’épée.
- J’irai, dit la Princesse Delilah.
Owen se tourna vers la princesse.
- Vous Princesse ? Mais vous n’y pensez pas ! Jarko et ses sbires sont très dangereux. Les Terres Mortes ne sont pas un lieu de villégiature, les plus grand aventuriers hésitent avant de s’y rendre, lui dit Owen
- Je n’ai que faire de vos mises en garde, Owen, j’ai dit que j’irai et je le ferai.
- Allons Princesse, vous devez rester auprès de votre père, il a besoin de sentir une personne aimante à ses cotés, lui dit Crowbanner. De plus, vous devez rester pour veiller au bien des affaires du Royaume.
- Je… Vous avez raison, se résigna Delilah.
- C’est une sage décision Princesse, je vais demander à Kerval de rassembler ses meilleures hommes et nous nous mettrons en route, dit Crowbanner.
- Nous ? Vous partez avec eux Crowbanner ? lui demanda Owen.
- Bien sur, qui d’autre que moi pourrait les guider ?
- Bon, et bien tout est dit, je retourne des mes quartiers. Excusez-moi, j’ai des affaires à régler, dit Owen.
Owen tourna les talons et se dirigea vers la porte. Crowbanner le regarda s’éloigner et remarqua une plume noire accrochée sur son dos.
- Owen ? Vous êtes allé dans la volière du Roi avant de venir ici ? lui demanda Crowbanner.
- Non, pourquoi cette question ?
- Vous avez une plume noire sur le dos…
Owen masqua sa surprise et dit :
- Et bien, elle devait voler dans la cour, et me sera tombée dessus quand je l’ai traversé.
- Oui, sans doute.
Owen sorti en hâte de la salle du trône, les gardes refermèrent la porte derrière lui.
- Cela ne me dit rien qui vaille Princesse, dit Crowbanner.
- Pourquoi ? Croyez-vous qu’il puisse être en contact avec les Ogrimariens ?
- Je ne sais, mais vous avez vu son expression quand j’ai parlé de la plume ? Il avait la tête d’un enfant pris en train de faire une bêtise. Restez sur vos gardes pendant mon absence Princesse.
- J’y veillerai Crowbanner, et vous, faites attention à votre santé, il ne me reste plus beaucoup d’herbe de cuthana.
- Hé hé, merci Princesse, dit Crowbanner en arborant un grand sourire. Bien, je vais de ce pas m’entretenir avec Kerval.
- Et moi je retourne à mes appartements.
Crowbanner et Delilah sortirent de la salle du trône, chacun à leurs pensées.

La troupe était sur les quais de Silversky, les derniers préparatifs avant l’appareillage du navire en direction de la ville portuaire de Windhowl touchaient à leur fin. Les marins finissaient de charger les provisions pour le court voyage en navire, mais aussi en préparation au futur périple de Crowbanner et sa suite.
- Messire Kerval ? Nous allons bientôt pouvoir quitter le port, lui dit le capitaine de la frégate royale.
- Merci Gribal, combien de temps m’avez-vous dit que le voyage allait durer ?
- Et bien, si tout se passe bien, nous serons en vue des côtes d’Arakas dans une journée.
- Très bien, merci.
- Cap’taine ? Cap’taine ! On peut y aller, tout est prêt, les hommes y attendent plus qu’votr’ ordre pour qu’on largue les amarres, dit un marin arrivé à l’instant.
- Parfait, vas dire aux hommes de commencer les manœuvres d’appareillage ! Allez ! Tu devrais déjà y être ! dit-il au marin, puis se tournant vers Kerval : Rassemblez vos hommes, Messire, dans cinq minutes on est parti.
Une silhouette vêtue d’une longue toge noire et dont le visage était caché par une capuche ample se faufilait dans l’ombre des ruelles de Silversky, elle marchait sans faire de bruit et en faisant attention à ne croiser personne. La silhouette tourna à droite et déboucha dans l’artère principale de la ville, elle se dépêcha de la traverser, pris une autre ruelle et s’arrêta devant une petite porte en bois. Elle frappa, des yeux apparurent derrière une petite ouverture dans la porte, la silhouette releva légèrement sa capuche de façon à montrer son visage à l’individu derrière la porte. Le loquet fut déverrouillé, la silhouette pénétra dans l’entrée. Derrière la porte se tenait un homme gigantesque, tout en muscle, il se poussa sur le coté pour laisser passer le visiteur qui suivi un petit couloir menant à un escalier. Arrivée sur le palier de l’étage, il sembla hésiter, puis ouvrit la porte en face.
- Enfin vous voilà Owen, je me demandais ce qui vous retenait.
- Ce qui me retenait ? C’est ce stupide Maître d’arme qui me retenait, voilà ! Maintenant, ça suffit, je ne suis pas venu disserter de cela.
- Oui, vous avez raison, alors, que voulez-vous de moi aujourd’hui ?
- Kerval et l’évêque sont partis à la recherche de l’épée de la légende, je veux que tu leur envois tes meilleurs hommes, je veux qu’ils ne trouvent jamais cette épée. Le Roi ne doit pas survivre. Tu peux utiliser n’importe quel moyen pour y arriver, tu m’as bien compris Dayo ?
- Bien sur que je vous ai compris, je remplirai ma tâche sans aucun problème, du moment que vous remplissez votre part du marché. Et puisqu’on en parle, comment va la princesse Delilah ?
Le visage d’Owen se crispa à l’entente de ces mots, mais il masqua son état derrière un grand sourire.
- Elle va très bien, rassures-toi. Même si je ne l’ai pas vu aujourd’hui, mais tu auras son cœur, sois en sur.
- Alors tout est dit, vous pouvez retourner au château Owen, mes fidèles s’occupent de tout.

La frégate royale voguait sur les flots calme de la mer d’Arakas, le vent du sud la poussait vers sa destination.
- Nous avons de la chance, nous n’avons croisé aucun orage Messire Kerval dit Gribal.
- C’est vrai, si tout notre voyage pouvait se passer aussi facilement.
- Je sens que les dieux nous accordent leur protection dit Crowbanner qui les avait rejoint sur le pont.
- Navire en vue ! cria la vigie. Navire en vue par tribord avant !
- Comment ? Un navire par ici, ce n’est pas normal, nous sommes les seuls à utiliser cet itinéraire.
Gribal sorti une longue-vue et la pointa dans la direction indiquée par la vigie. C’était un long navire de guerre, ses cannons étaient sortis et prêt à faire feu, mais il ne se dirigeait pas vers eux.
- Mille sabords ! Il porte les couleurs d’Angélus ! s’écria t’il.
- Cap’taine ? le héla la vigie, il a disparu, il se dirigeait vers la Côte des Récifs.
- Et bien, tant pis pour eux, ils vont s’échouer sur les rochers qui éventreront leur coque. Bon débarras ! On continue notre route

Le lendemain matin, la frégate royale accostait dans le port de Windhowl. Les marins accrochèrent les amarres au ponton et se dirigèrent en hâte vers la taverne de la ville.
Kerval, Crowbanner et les soldats descendirent du bateau en remerciant le capitaine et lui souhaitant bonne chance pour la suite.
- Bon, que faisons-nous maintenant ? demanda Kerval.
- Il nous faut trouver un guide, répondit Crowbanner.
- Allons chercher à la taverne, on saura sûrement nous renseigner.
- Allons-y.
Ils firent quelques pas et remarquèrent deux hommes en train de discuter sur le quai. Le premier mesurait environ deux mètres, ses bras ressemblaient à des troncs d’arbres, mais ce n’était rien en comparaison de ses cuisses. De longs cheveux blonds lui tombaient sur les épaules. Il portait pour tout vêtement un pagne fait d’une peau d’ours. Une énorme hache reposait sur son épaule. Son compagnon était tout le contraire, petit et chétif, les cheveux courts et noirs, le regard vif et le nez acéré. Il était habillé d’une robe de magicien verte.
- Non, Ours, je te dis qu’on a rien à manger, et on a pas d’argent, dit le petit.
- Mais j’ai faim moi, dit-il en donnant un gros coup de pied sur les planches branlantes du quai.
- Du calme, Ours, on va trouver, regarde ces gens qui arrivent, dit-il en pointant Kerval et les autres, je suis sur qu’on pourrait leur offrir nos services
Kerval s’arrêta devant le petit homme et lui dit :
- Bonjour à toi, Messire, j’ai cru comprendre que ton ami et toi aviez faim ?
- J’ai faim ! dit Ours
- Heu..oui M’sieur, bredouilla le petit. Je m’présente, Rednalhgih, magicien et aventurier, et l’grand là bas, c’est Ours Blond, mon ami d’ toujours, à votre service.
- Moi Ours Blond ! J’ai faim ! ! Je veux manger.
- Et qu’avez-vous à nous offrir mes amis ? leur demanda Kerval.
- C’est façile, z’êtes pas nombreux, on connaît le coin comme not’ poche, alors si vous en avez b’soin, on vous sert de guide et de gardes du corps. Qu’est z’en dites ?
- Ma foi, je pense que mes soldats suffiront à nous protéger, mais si vous connaissez si bien le coin, vous pourrez sûrement nous être utiles, lui dit Kerval.
- Je vous propose d’aller en débattre autour d’une bonne table Messire, z’êtes d’accord ?
- Nous sommes tous affamés, et c’est avec joie que nous vous invitons, dit Crowbanner en s’approchant.

La chambre de la Princesse était agencée avec un goût exquis, près des fenêtres se trouvait un grand lit à baldaquin en bois sculpté de motifs compliqués, le lit était orné d’un magnifique ciel de lit en soie rouge, des tapisseries de paysage champêtre étaient accrochées aux murs. La Princesse Delilah était devant sa penderie, elle rassemblait des affaires pour le voyage qu’elle s’apprêtait à faire quand le Grand Chambellan Thomar entra.
- Vous m’avez fait mander Princesse ?
- Oui, je voulais vous prévenir que je partais pour Arakas à la recherche de Crowbanner et Kerval
- Comment ?
- J’ai suivi Owen hier soir, il est sorti de la ville incognito et s’est rendu à un rendez-vous secret. J’ai pu écouter la conversation qu’il a eue avec Dayo.
- Dayo ? Le sombre messie des Haruspiciens ?
- Lui-même.
- Mais, et que lui voulait-il ? Expliquez moi je vous en prie.
- Owen a ordonné à Dayo de faire tout ce qu’il pouvait pour empêcher que l’on retrouve l’épée. Je crains qu’il n’en ait après la vie de mon père. C’est pourquoi je dois aller prévenir Kerval. Je vous laisse le soin des affaires du royaume, et je vous en prie, veillez sur mon père, dit-elle suppliante.
- Comme vous voudrez Princesse, mais faites bien attention à vous.
- Thomar ? Méfiez-vous d’Owen. J’ai peur qu’il ourdisse une sombre machination contre le Royaume.
- Ne vous en faites pas, je connais le bougre, je saurais agir en conséquence. Mais Princesse ?
- Oui Thomar ?
- Passez me voir avant de partir, je vous donnerai quelque chose.
- Quoi donc ?
- Passez, je ne peux vous en dire plus. Cela vous sera utile, n’en doutez pas
- D’accord, je pars dans moins de deux heures, j’espère trouver un navire qui m’emmènera à Windhowl au plus vite.
À l’auberge de Windhowl, l’ambiance était festive, on fêtait un anniversaire et tout le monde chantait. La bière coulait à flot et les serveurs n’arrêtaient pas de faire des allers-retours entre la salle et les cuisines. Kerval, Crowbanner, Rednalhgih et Ours Blond étaient attablés autour d’une grande table ronde dans un coin de la salle. Leur repas avait aussi été bien arrosé et ils participaient volontiers à la liesse générale.
- Je porte un toast à nos nouveaux compagnons, dit Kerval en levant son verre.
- À l’amitié, répondit Rednalhgih.
- Ouais ! ! ! Bravo ! Hourra pour les nouveaux amis, hurla quelqu’un dans la salle.
Ours Blond se leva en titubant et s’adressa à l’homme :
- T’m’as l’air d’un sacré bon bougre toi ! Viens donc trinquer avec moi
- J’arrive ami, je ne rate jamais une occasion de trinquer, d’autant plus que c’est mon anniversaire.
- Et bien raison d’plus pour boire ! Allez !
L’homme s’approcha et trinqua cogna le verre d’Ours avec le sien répandant la moitié du liquide par terre.
- ‘Tention malheureux ! T’en as renverses la moitié !
- Je.. je crois que j’ai un peu trop bu moi, dit l’homme.
Crowbanner assistait à la scène assis tranquillement sur sa chaise. Il avait encore l’esprit clair et ne pensait qu’à leur mission. Il fit signe à Kerval :
- Nous devrions nous remettre en route Kerval. Non pas que je n’apprécie pas ce repas, mais des choses importantes nous attendent.
- Vous avez raison, je pense que les soldats auront fini de préparer les chevaux, nous allons donc y aller
Kerval finit son verre d’une traite et se leva :
- Mes amis, nous allons y aller, l’aventure nous attend.
- Et bien on y va alors, dit Rednalhgih. En route.
- Ouais ! Allons trouver cette épée, s’exclama Ours.
- Ours, sois plus discret, lui dit Rednalhgih en lui donnant un coup de coude dans l’estomac.
- Oups, désolé c’est sorti tout seul, dit-il tout penaud.

Ils arrivèrent à l’étable du maréchal-ferrant où les soldats les attendaient. Les chevaux avaient été sellés et les provisions harnachées sur le dos de deux mules. Kerval s’approcha et inspecta leurs montures. C’était de magnifiques alezans noirs et des bais marrons, ils semblaient en pleine forme et parés pour la longue route qui les attendaient.
- Bien, tout ceci me semble parfait. Le maréchal a été réglé, demanda t’il en s’adressant à un des soldats.
- Oui Messire Kerval, tout est réglé, nous pouvons partir quand vous voulez.
- Et bien en avant, dit-il en mettant le pied à l’étrier. Tous en selle.
Ils sortirent de la ville et s’arrêtèrent, Kerval demanda à Rednalhgih :
- Bien, par où allons-nous maintenant, mon ami ?
- Et bien la route la plus courte pour les Montagnes Noires c’est de passer par la Forêt Perdue et le Val des Murmures.
- Voilà des noms bien engageant, dit Kerval.
- Et bien ils portent bien leur nom, la Forêt Perdue est un vrai labyrinthe pour qui ne la connaît pas, de plus, selon les rumeurs, elle serait aussi le repaire des Amazones. Et le Val des Murmures passe pour être hanté par les guerriers morts en le traversant…
- Bien, ne nous alarmons pas, nous verrons bien. En avant ! dit Kerval.
Son cheval se cabra et ils s’élancèrent au galop.